Comment dire non quand on a trop souvent dit oui ? Comment éviter la contagion ? Surtout, comment tenir bon en attendant le choc frontal avec Chirac ?

Le Premier ministre n'a pas su - ou pas voulu - s'attaquer à la réforme du système des retraites. Elle est pourtant inéluctable, comme le souligne le troisième rapport sur la question qui lui a été remis la semaine dernière.

Il y a ceux - la majorité - dont le travail et la feuille de paie justifient les revendications. Mais il y a les autres.

Horaires imposés, augmentation des cadences, pouvoir d'achat réduit... Le gouvernement de Lionel Jospin avait mal mesuré les effets pervers de la réduction du temps de travail, surtout auprès des salariés les moins qualifiés.

Ils sont des millions qui tentent, jour après jour, de ravauder le tissu social de notre pays.

"Pour le premier ministre, c'est Matignon bis ou le Poitou..." Un proche explique ainsi la détermination de Raffarin. Mais aura-t-il les moyens de tenir face à la spirale des adversaires de sa réforme ? Car au-dessus de lui il y a Chirac.

Les faits sont têtus : il faut, quoi qu'on dise, réformer notre système de retraite, et cette réforme passe par des sacrifices partagés. On peut encore améliorer le projet. Mais demander un retrait total, c'est jouer l'immobilisme... au détriment de beaucoup de salariés.

Que les enseignants puissent participer à un boycott des examens, cela paraissait inconcevable au Premier ministre. C'est pourquoi il a choisi, pour des raisons de calendrier électoral, une période explosive pour faire passer sa réforme des retraites.

Contrairement aux déclarations officielles le Premier ministre a eu peur. Et malgré sa victoire sur les syndicats, les manifestations, souvent sous-évaluées, l'incitent désormais à la prudence.

La société civile se laisse guider par la peur. L'Etat, qui a été le principal agent de modernisation de la France, se replie sur la défensive. Comment repenser son rôle ?

En trois semaines de crise, ce qu'on prenait pour un conflit social catégoriel s'est changé en drame national : les grands festivals annulés, le gouvernement impuissant, les syndicats divisés, le monde de la culture à feu et à sang, les intermittents désespérés. Comment l'affaire a-t-elle dégénérée ?

Des centaines de milliers de fonctionnaires, d'enseignants, d'agents des services publics et d'intermittents ont fait grève pendant de longues semaines. Pour rien ou presque. Dans quel état d'esprit aborderont-ils la rentrée ? Martine Gilson a enquêté auprès de spécialistes du mouvement social.