Jusque-là, le président était à la fois irrité et fasciné par l'aplomb de son vassal. Mais l'incursion de ce dernier dans le domaine réservé de la Défense, sa volonté affichée de vouloir tous les pouvoirs tout de suite lui sont apparues comme un coup de force. Récit d'un clash public sans précédent.

Fondateur de l'UMP, cet héritier d'une prestigieuse lignée protestante est le paratonnerre du président. Son objectif : écarter le "danger" Sarkozy. Portrait d'un conseiller courtois et brutal qui est devenu, à 74 ans, l'un des hommes les plus puissants de la République.

Le plus vexant pour le chef de l'Etat, c'est que Sarkozy lui a volé sa méthode : dynamisme, culot, pragmatisme. Histoire de ses relations avec un rival qui lui ressemble comme un double.

L'accord passé entre le président et son clone rebelle ne doit pas faire illusion. Chirac veut encadrer le nouveau président de l'UMP pour mieux le contrôler. Sarkozy veut incarner le renouveau de la droite pour rendre sa candidature à la présidentielle incontournable.

Fonds structurels européens, emplois familiaux, prêts à taux zéro, allègement de l'ISF... A chaque fois, le président a contraint le futur patron de l'UMP à reculer.

En avril 2004, le Conseil national de l'UMP avait déjà déjugé le chef de l'Etat en se prononçant à plus de 70% contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Qui pour succéder à Raffarin ? Chirac avait son favori : Dominique de Villepin. Mais aujourd'hui il déchante. On le dit même "consterné". D'autant qu'aucun autre ne s'impose à ses yeux.

C'est en chef de parti offensif et sans concession vis-à-vis du président de la République que Nicolas Sarkozy est apparu dimanche au Bourget. Un patron de l'UMP dont le but avoué est de conquérir l'Elysée. Et déterminé à réhabiliter les valeurs de la droite.

L'homme qui avait tiré à la carabine sur le président de la République a été condamné la semaine dernière à dix ans de réclusion par une cour d'assisses aux allures de conseil de classe.

Chirac l'a décidé : les Français seront consultés au printemps sur la Constitution européenne. Peut-il prendre le risque de plomber ce grand rendez-vous en s'accrochant envers et contre tout à un Premier ministre que tous les sondages disent usé ?

Des voeux aux Français, des voeux aux forces vives, c'est à chaque fois le même discours optimiste, volontariste, moralisateur...

L'objectif de Sarkozy : ringardiser Chirac et lui brûler la politesse pour faire entériner sa candidature à la présidentielle par les militants. C'est la stratégie de l'empêchement. Celle du président : étouffer son adversaire pour mieux rester maître du temps.