Il est étrange de revenir impunément d'un voyage au centre du monde. Et pourtant, parmi les millions d'individus qui arpentent chaque année à Angkor le temple du Bayon, combien savent qu'ils pénètrent au coeur du mont Meru, point exact d'équilibre de l'univers ?

Des premiers rois bâtisseurs au régime de Pol Pot, en passant par le protectorat français, le mythe d’Angkor a survécu, tout comme la peur de l’engloutissement face aux incursions des puissants voisins. Sommaire. Glossaire. Kampuchéa : la splendeur et l’effroi. Les mille visages du bouddhisme cambodgien. Le précieux héritage de l’EFEO. Les archives de Norodom Sihanouk. « L’analyse d’un génocide reste complexe », entretien avec Rithy Panh. Angkor, la cité de la démesure reprend vie, récit. Angkor et l’âge d’or de l’empire khmer, infographie. Bronzes royaux d’Angkor, exposition.

Le nom d’« Angkor » résume, encore trop souvent, l’histoire du Cambodge ancien. Or, dès les premiers siècles de notre ère, se développe, à partir du delta du Mékong, le royaume du Funan. Indianisé, tourné vers la mer, il exerce son influence sur une portion de la péninsule malaise. Au VIIe siècle, le royaume du Zhenla, successeur du Funan, déplace le centre de gravité du pouvoir au nord. La période dite « angkorienne » commence vraiment avec le règne de Jayavarman II, au IXe siècle, qui dirige le « pays des Kambuja » – le Cambodge.

Dès le XVIIIe siècle, les Vietnamiens, d’un côté, les Thaïs, de l’autre, grignotent le territoire cambodgien. En 1863 les Français y établissent un protectorat. Le Cambodge devient alors une composante de l’Indochine, où le Vietnam domine. La Seconde Guerre mondiale rebat les cartes. Alors que le Japon occupe le pays, le roi Sihanouk proclame l’indépendance. La défaite japonaise ramène les Français en Indochine. Épargné par la guerre qui secoue le Vietnam jusqu’en 1954, le Cambodge obtient l’indépendance par la négociation. Sihanouk s’impose comme l’homme fort de l’État.

Le 17 avril 1975, après cinq ans de guerre civile, les Khmers rouges s’emparent de Phnom Penh. En quarante-huit heures, la capitale est vidée de ses habitants. Le Parti communiste du Kampuchéa, dirigé dans l’ombre par Pol Pot sous le nom d’« Angkar », impose des mesures radicales : collectivisation agraire forcée, abolition de la monnaie, fermeture des écoles, tribunaux, hôpitaux, interdiction des pratiques religieuses et culturelles, séparation des familles. Génocide ou crimes de masse ? Les Khmers rouges sont responsables de la mort d’environ 2 millions de Cambodgiens.