Toutes les civilisations ont eu besoin de leurs Barbares. Ils fascinent, ils font peur, mais on finit par les assimiler. C'est ce que montre le magistral dictionnaire des "Barbares". Entretien avec son maître d'oeuvre, l'historien Bruno Dumézi.

Juifs et morisques d'Espagne, protestants français, patriotes polonais et italiens, révolutionnaires russes... Face aux persécutés, souvent isolés, les Etats, longtemps, ont réagi au coup par coup.

Comment expliquer qu'après avoir vaincu Rome les Barbares en aient adopté la religion officielle, le christiannisme ? Sans doute y furent-ils contraints par les évêques.

Peuples ennemis ou alliés de Rome, les Barbares ont pesé sur l'histoire de la Ville jusqu'à causer, en 476, la chute de l'Empire romain d'Occident.

Les "invasions barbares" : l'expression paraît tout droit sortie des manuels scolaires de la IIIe République, chargée de mystère et de connotations péjoratives...

Barbares : c'est ainsi que les Perses étaient qualifiés par les Grecs. Lâches, cruels, serviles, inaptes à la démocratie, ils incarnaient l'envers de la civilisation. Mais ces stéréotypes cachaient des rapports plus complexes.

Ils n'étaient sans doute que quelques dizaines de milliers. Incursions successives ou migrations diffuses qu'on repère entre le IIe et le Ve siècle, les mouvements de ces peuples que les Romains disaient barbares ont pourtant abouti à un profond remaniement de la carte géopolitique de l'Europe.

Pour les Grecs, les Celtes furent d'abord des Barbares sans intérêt. Les guerres qui les opposèrent aux souverains hellénistiques et à Rome en firent ensuite des ennemis dangereux. Cette image négative servait si bien les intérêts romains qu'elle se fixa et a perduré jusqu'à aujourd'hui.

Les Barbares ont mauvaise réputation. On leur reproche la ruine de Rome et de son Empire, présenté comme le fondement de notre civilisation. L'expression d'« invasions barbares » témoigne de cette ténébreuse aura. Elle a été popularisée au XIXe siècle par les historiens français, dans un contexte nationaliste où les Barbares prenaient le visage de l'ennemi allemand. Mais aujourd'hui, voici que les chercheurs n'usent de ce vocable qu'avec réserve. Des envahisseurs ?