Le coronavirus a fauché Alain Gauthier, à Boulogne-Billancourt, le 3 avril 2020, dans la solitude glauque de la pandémie. Cet artiste discret et élégant, au regard intensément bleu, était plein d'attention pour ses amis, d'une espièglerie désarmante et d'une galanterie surannée qui s'exerçait dans ses manières, mais aussi dans ses courriers qui ont miraculeusement résisté à la révolution télématique. Les souvenirs de nos longues années d'amicale complicité, partagée aussi avec sa femme Elisabeth, me remplissent de chagrin.

L'atelier parisien de Nicolas Vial, où prend place notre échange, dévoile un monde rempli d'oeuvres, de livres, de couleurs et de souvenirs. "Un capharnaüm !" s'excuse-t-il en m'expliquant n'y avoir plus de place pour créer. Pas un jour pourtant sans qu'il ne partage sur Instagram son univers poétique parfois rehaussé d'impertinence, à l'image des dessins dont il a illustré "Le Monde" trente ans durant. Le trait élégant et aquatique de ce peintre officiel de la Marine nous embarque, libre comme l'eau, vers des rêveries où l'enfance ne se niche jamais très loin.

La légende dit que, enfant, il dessinait sur le sable, faute de crayons et de papier. Depuis, le Congolais Chéri Samba peut s'offrir papier, crayons et toiles grâce à la vente de son travail. Retour sur une success-story à l'africaine, née dans les ateliers d'enseignes publicitaires, à Kinshasa, et qui a émergé dans les pages du journal "Actuel" et aux "Magiciens de la terre", première grande exposition d'art contemporain réellement internationale, organisée au Centre Pompidou et à la Villette en 1989. Nous l'avons interviewé alors qu'il exposait à !a galerie MAGNIN-A en septembre dernier.

Le lundi 8 février dernier, Léo Kouper, gamin farceur de quatre-vingt-quatorze ans, travaillait à une pochette de disque du compositeur Vladimir Cosma lorsqu'il s'est endormi, le crayon à la main, pour ne jamais plus se réveiller. Il rejoignait Monique, son épouse, décédée trois mois plus tôt. Une mort paisible à l'image de cet artiste prolifique, malicieux et débonnaire qui a illuminé les murs de nos villes d'affiches inoubliables durant près de soixante-quinze ans. Lors de ses obsèques, un pâle soleil faisait luire les pavés du Père-Lachaise.

Génial et prolifique, l'illustrateur français Roland Topor a également réalisé des incursions remarquables au cinéma, à la télévision, dans la littérature et même dans la chanson. Personnage médiatique surexposé de son vivant, il ne cesse d'être redécouvert depuis sa disparition en 1997.

L'auteur-illustrateur a le génie d'inventer des mondes. Rencontre dans son atelier.

Joël Person, c'est une boule d'énergie, un personnage au parcours atypique et un accro du dessin ! C'est aussi un environnement singulier avec cet atelier d'artiste magnifique au pied de la butte Montmartre avec, s'il vous plaît, une superbe vue sur le Sacré-Coeur ! Autour de lui, des souvenirs de sa famille (la baignoire de sa grand-mère, un cheval Tang que son grand-père a acheté quand il était pilote au port de Shanghai, protégé dans une vitrine), des fusains ou ce qu'il en reste, des piles de carnets de croquis, des dessins représentant des musiciens...

Le père du Petit Nicolas a eu d’autres rejetons. En 1995, le dessinateur s’inventait un double en la personne de Raoul Taburin. Près de vingt-cinq ans plus tard, le débonnaire réparateur de vélos ressuscite sous les traits de l’acteur Benoît Poelvoorde. Toujours en quête de poésie et gourmand des plaisirs de la vie, Jean-Jacques Sempé, 86 ans aujourd’hui, s’était invité en Provence sur le tournage du film de Pierre Godeau, en salle le 17 avril 2019. L’occasion d’une rencontre avec un monument national.

Pour saluer la mémoire de cet artiste pluriel, "La Revue des livres pour enfants" a demandé à l'une de ses amies, Janine Kotwica, grande spécialiste de l'image, de l'évoquer pour nous.