Régis Debray accusait la révolte des jeunes d'avoir fait le lit du capitalisme. Gilles Lipovetsky, celui de l'individualisme des années 1980.

Depuis cinquante ans, les transformations sociales de la société française ont fait fonctionner à plein l'ascenseur social. Aujourd'hui, c'est la peur du déclassement qui semble dominer. Fantasme ou réalité ?

En soixante ans, la France s'est transformée comme jamais. Le pays rural, chrétien est devenu une nation "black, blanc, beur", ouverte sur le monde. Mais où l'on peine à sortir des carcans établis. Bilan d'une révolution tranquille.

Depuis vingt ans, de profonds changements sont à l'oeuvre parmi les cadres : accroissement du niveau de formation, perte de prérogatives... Tout ceci se conjugue pour rendre les carrières de plus en plus aléatoires, engendrant un mal-être persistant.

Contrairement à ce que proclame une certaine médiatique, les rencontres improbables entre différents segments de la société française ont bel et bien eu lieu dans les années 68. Les traces archivées de cette séquence singulière de notre histoire sociale sont tenaces et incontestables, pour peu qu'on veuille bien prendre la peine de s'y arrêter.

Cet article entend revisiter l'événement Mai-Juin 68 à l'aune de la conscience historique qu'en ont ses différents acteurs et du rapport aux temporalités imbriquées qu'ils entretiennent alors. Il évoque l'attention particulière prêtée au temps vécu comme un « temps de qualité », entre sentiment de l'urgence et impression de vivre un moment suspendu. Pour autant, ces temporalités elles-mêmes sont replacées dans la conscience que l'histoire est en train de se faire et qu'elle nécessite de réfléchir à cette condition historique, où le passé est un héritage pour mieux penser l'avenir.

Brûlot contestataire en 1967 devenu pièce centrale d'un "Trésor national" en 2009, le parcours de "La Société du spectacle", oeuvre maîtresse du théoricien et militant situationniste Guy Debord, étonne et pourrait illustrer à merveille la capacité de récupération de ladite société du spectacle. Car ce livre touffu paru chez un petit éditeur est assez mal reçu. Ce sont les événements de mai-juin 1968 qui, ex post, dotent le livre d'un statut prophétique.