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Les |Deux leaders du bio confiants en l'avenir

Bulletin : LSA 29 mai 2025
29 mai 2025
Numéros de page :
pp.58-63
Après une décennie de forte croissance, le marché du bio a connu un ralentissement marqué entre 2022 et 2024, en raison d’une surabondance de l’offre, de l’inflation et d’un désengagement politique. Toutefois, depuis mi-2024, des signes de reprise sont observés : les magasins bio enregistrent une croissance de +8 %, la grande distribution +5 %, tandis que les grandes marques de produits de grande consommation bio restent en recul. Le secteur se réorganise, avec un assainissement de l’offre et le retrait d’acteurs opportunistes, permettant un redémarrage plus structuré. Léa Nature, entreprise française fondée par Charles Kloboukoff, réalise un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros en 2024 (+2,9 %), dont 82 % en France et 50 % en grande distribution. Elle emploie 1 900 salariés sur 24 sites, dont 16 usines alimentaires en France. Léa Nature privilégie la production locale pour limiter son impact environnemental et soutenir les territoires. Son portefeuille comprend des marques comme Jardin BiO étic, Karéléa, Vilamont, Carte Nature et Gusti Arno Bio. Ecotone, présidée par Christophe Barnouin, est une entreprise à mission, présente en France et en Europe (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Italie). Son chiffre d’affaires 2024 atteint 710 millions d’euros (+2,4 %), dont 58 % en grande distribution, 22 % dans la distribution spécialisée, 60 % en France et 18 % à l’international. Elle compte 1 600 salariés et 9 sites de production en Europe, dont 2 en France. Ses principales marques sont Bjorg, Clipper, Bonneterre, Destination, Alter Eco et Danival. Le bio est passé de 2 % à près de 6 % de l’alimentation en quinze ans. La croissance annuelle du secteur a été de 8 à 10 % sur quarante ans, avec des cycles de hausse après les crises sanitaires et de stagnation ou baisse après les crises économiques. L’euphorie de 2013 à 2020, marquée par l’arrivée massive d’acteurs conventionnels, a conduit à une offre surdimensionnée. L’inflation a ensuite freiné la demande, mais la situation s’assainit avec une croissance saine de +5 à +10 % dans les magasins bio et une reprise du rayon bio en grande distribution, notamment l’épicerie. Le bio reste un moteur de transformation du système agroalimentaire, étant le seul label interdisant les pesticides chimiques. Il répond à la perte de biodiversité et aux enjeux de santé publique. Malgré la multiplication de labels intermédiaires et les tentatives de décrédibilisation, les Français restent attachés au bio. Le modèle bio est aussi une économie circulaire, locale et moins financiarisée. Le soutien public au bio est jugé insuffisant : les aides à l’hectare sont inférieures à celles du conventionnel, malgré les bénéfices environnementaux. La filière propose un objectif de 12 % de bio dans l’alimentation, à l’image du Danemark ou de l’Autriche, et met en avant les services rendus : sols non pollués, meilleure santé publique, souveraineté alimentaire. Localement, certaines collectivités, comme à Lyon, introduisent jusqu’à 50 % de bio dans les cantines, mais ces initiatives restent disparates et limitées par le manque de moyens. La réglementation bio européenne est stricte et rigoureuse, garantissant la qualité. Les acteurs du secteur demandent son application équitable, notamment pour les produits importés, sans assouplissement. Léa Nature poursuit une stratégie d’accessibilité du bio, avec des gammes à prix serré comme Sélection Bio Malin chez Jardin BiO étic, l’écoconception des emballages, la traçabilité des ingrédients et l’innovation produit (légumes en brique, sachets repas). L’entreprise vise à rationaliser son portefeuille de 50 à 40 marques en trois ans, en restant centrée sur Jardin BiO étic, qui fête ses 30 ans. Elle développe aussi la restauration et l’international, en adaptant ses produits aux spécificités locales. Ecotone mise sur ses marques phares Bjorg et Clipper, qui détient 39,5 % de part de marché des thés bio équitables. Bjorg domine les boissons végétales, biscuits et céréales bio. Dans les circuits spécialisés, Alter Eco et Danival poursuivent leur développement. La restauration représente 10 % de l’activité, avec une croissance de 20 à 25 % en un an. Clipper est présente dans tous les McDonald’s français, Bjorg et Clipper dans le groupe Accor et sur de nombreuses compagnies aériennes. L’e-commerce pèse 13 % des ventes, avec une croissance de 10 % en Europe, portée par le click & collect et des plateformes comme Amazon et Picnic. Ecotone investit dans la modernisation de ses usines, notamment celle de thé au Royaume-Uni. La grande distribution a joué un rôle clé dans la démocratisation du bio : 90 % des foyers français consomment du bio au moins une fois par an, un tiers chaque semaine. Près de la moitié de l’offre est en marque de distributeur. Toutefois, la multiplication des offres et la hausse des marges durant l’inflation ont parfois nui à l’image du bio. Les distributeurs retrouvent aujourd’hui confiance, mais il reste essentiel de soutenir l’innovation et de maintenir une stratégie cohérente. Le profil du consommateur bio est multiple : motivations santé, environnement, goût. En magasins spécialisés, les clients sont plus engagés et attentifs aux valeurs des marques. L’offre doit être claire et bien organisée pour faciliter l’achat. Le bio est un levier face à la crise climatique : il réduit les gaz à effet de serre, les intrants chimiques, favorise le stockage du carbone et la biodiversité. Le modèle économique est plus vertueux, avec une production locale et un soutien aux filières françaises (16 sites de production en France pour Léa Nature). La technologie dans le bio sert à mesurer les impacts (biodiversité, stockage carbone), mais l’agriculture bio privilégie la proximité avec le vivant et la mécanisation raisonnable, sans industrialisation excessive. À l’horizon 2035, le bio devrait continuer à croître lentement, le temps de convertir les terres et de former les agriculteurs. Il faudra plus de transparence (Nutri-score, Planet-score) et élargir l’offre pour séduire les jeunes. L’objectif est d’atteindre 12 % de bio dans les ventes alimentaires, comme au Danemark ou en Autriche, à condition d’un soutien politique accru. Les acteurs historiques, qui ont résisté aux crises, sont jugés les mieux placés pour construire un avenir durable pour le bio.