Luca Di Meo, redresseur en série. Un patron de l'automobile peut-il redresser un géant du luxe ?
Bulletin : Le Nouvel économiste 27 juin 2025
27 juin 2025
Numéros de page :
p.8
Luca de Meo, ancien directeur général de Renault, a démissionné après cinq ans de mandat pour prendre la direction de Kering, conglomérat du luxe propriétaire de Gucci, à partir de septembre. Cette annonce a immédiatement fait bondir la capitalisation boursière de Kering de 2,5 milliards d’euros, atteignant 24 milliards d’euros le 16 juin, tandis que Renault perdait 1 milliard d’euros, passant sous la barre des 11 milliards d’euros. Les investisseurs espèrent que de Meo permettra à Kering de regagner une partie des 75 milliards d’euros de valeur actionnariale perdus depuis 2021, face à la concurrence de LVMH et Hermès.
Plusieurs entreprises du luxe ont récemment recruté des dirigeants extérieurs à leur secteur : Audemars Piguet a choisi un ancien de P&G, LVMH a nommé un ex-Henkel à la tête de Louis Vuitton, Chanel a recruté un DRH d’Unilever, et Ferrari est dirigée par un ancien du secteur des semi-conducteurs. Tous ont été jugés performants, mais aucun n’a eu à réinventer stratégiquement une entreprise en difficulté comme Kering.
Luca de Meo s’est forgé une réputation de redresseur en série. Chez Renault, il a renouvelé la gamme avec des modèles électriques, réduit une dette colossale à un niveau gérable, amélioré des marges d’exploitation auparavant négatives et le rendement du capital, qui était nul. Sous sa direction, le cours de l’action Renault a doublé, alors que Volkswagen a chuté et Stellantis a stagné. Auparavant, il avait revitalisé Fiat et Alfa Romeo dans les années 2000, puis transformé Seat entre 2015 et 2020 en l’une des marques les plus dynamiques du groupe Volkswagen.
Les redresseurs d’entreprise sont courants, mais la plupart ont une expérience sectorielle. Les CEO itinérants, capables de passer d’un secteur à l’autre, sont généralement spécialisés dans le redressement d’entreprises en difficulté financière. Selon Joost de Haas, spécialiste du redressement, des compétences comme l’assainissement des bilans et la négociation avec les créanciers sont transférables.
Kering n’est pas en crise aiguë : en 2024, le groupe a généré 2,6 milliards d’euros de bénéfice d’exploitation pour 17,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, des résultats en baisse mais loin d’être catastrophiques. Le groupe a surtout besoin d’un nouveau regard stratégique, à l’image de Lou Gerstner, qui avait redressé IBM dans les années 1990. Le secteur du luxe traverse une période difficile, avec un ralentissement durable en Chine. LVMH a perdu près de la moitié de sa valeur boursière en un an, et même Hermès, désormais le groupe de luxe le mieux valorisé, a perdu près d’un cinquième de sa valeur depuis février.
Le principal risque pour Kering serait de connaître un échec similaire à celui de Bob Nardelli, qui, après une brillante carrière chez General Electric, a échoué chez Home Depot et Chrysler. Un autre risque réside dans l’emprise de François-Henri Pinault, président et actionnaire majoritaire de Kering, qui a permis ce choix audacieux d’un dirigeant néophyte du luxe. Pour que Luca de Meo réussisse, il faudra que Pinault lui laisse une réelle marge de manœuvre, malgré son engagement à “être à ses côtés”.
En résumé, la nomination de Luca de Meo à la tête de Kering a eu un impact immédiat sur les marchés financiers, avec une hausse de 2,5 milliards d’euros de la capitalisation de Kering et une perte de 1 milliard d’euros pour Renault. Kering espère ainsi récupérer une partie des 75 milliards d’euros de valeur perdus depuis 2021, alors que le secteur du luxe est confronté à un ralentissement mondial, notamment en Chine. Les résultats récents de Kering s’élèvent à 2,6 milliards d’euros de bénéfice d’exploitation pour 17,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais restent inférieurs à ceux de ses principaux concurrents. Le succès de de Meo dépendra de sa capacité à apporter un regard neuf et de la liberté d’action que lui accordera François-Henri Pinault.
Note Générale : Source : "The Economist".