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Cause perdue éditions. "Lorsque nous aimons un récit, il est mécaniquement politique"

01 juin 2025
Numéros de page :
pp.80-82
Portée par huit membres du Collectif Othon, formé dans les années 1990, la maison d’édition Cause perdue a été créée début avril 2024 et lancée en avril 2025 avec trois titres inauguraux. Le collectif, composé d’amis ayant déjà collaboré sur des films et des livres, notamment via les éditions Divergences et Le Diable Vauvert, se concentre désormais sur la relation entre littérature et politique, en privilégiant le récit vécu et la subjectivité incarnée, à l’opposé des essais politiques jugés trop théoriques. Parmi les membres, François Bégaudeau (auteur d’Entre les murs, La Blessure, lavraie, Commeunemule), Gwenaël David (Chroniques de la pampa, Le chien cornet) et Stéphanie Vincent participent activement à la direction de la maison. Cause perdue défend l’idée que tout récit littéraire est intrinsèquement politique, qu’il soit explicitement engagé comme La vie d’Abdèle d’Izza Amar ou Du mépris de François Bégaudeau, ou qu’il politise le naturalisme comme Je ne suis pas une libellule de Gwenaël David. Le catalogue inclut également Bien vouloir patienter de Thomas Mairé, qui relate son expérience dans un centre d’appels, abordant ainsi des sujets sociaux et politiques. Un autre auteur, dont le livre paraîtra en 2026, racontera son engagement écologique à travers ses nuits militantes, illustrant la réflexion permanente sur l’utilité et l’impact de l’engagement politique. La maison d’édition fonctionne de manière associative, avec une répartition des tâches entre les membres : Stéphanie Vincent coordonne, François Bégaudeau gère le marketing web, Gwenaël David s’occupe de la gestion technique et des fichiers librairies. Aucun membre n’est professionnel de l’édition ; il leur a fallu deux ans pour comprendre le fonctionnement de la filière du livre et son économie, et trouver un distributeur-diffuseur aligné avec leurs valeurs, Serendip-Livres. Leur organisation reste volontairement artisanale et amateur, fidèle à l’esprit du collectif. Le nom « Cause perdue » a été choisi par François Bégaudeau lors de vacances, en référence à une partie de pétanque, mais aussi à la culture punk et à leur ancien groupe Zabriskie Point, incarnant autodérision et esprit de « lose ». Pour la première année, cinq livres seront publiés, un chiffre jugé élevé pour une structure débutante, mais nécessaire pour se faire connaître des libraires. La question de la surproduction a été abordée : selon eux, elle concerne surtout les grandes maisons d’édition, alors que l’édition indépendante contribue à la bibliodiversité, considérée comme la meilleure réponse aux grands groupes. Ils rappellent que dans l’économie du livre, un tirage de 3 000 exemplaires constitue déjà un succès, ce qui leur permet de viser la viabilité sans avoir besoin d’un large public.