Rennes, ville de libraires
Bulletin : LH le magazine juin 2025
01 juin 2025
Numéros de page :
pp.60-63
Vingt-quatre librairies se partagent Rennes et ses 229 000 habitants, soit une librairie pour 10 000 habitants, contre une pour 30 000 au niveau national et une pour 17 680 en Bretagne. La ville a vu l’ouverture de neuf nouvelles librairies en cinq ans, en a perdu deux, et compte aussi cinq bouquinistes. À titre de comparaison, Nantes (323 000 habitants) compte 21 librairies indépendantes, soit une pour 15 380 habitants.
Le réseau historique rennais se compose de librairies spécialisées : Ariane (voyage), Encre de Bretagne (régionalisme), La Rose mystique (spiritualité), La Courte Échelle (jeunesse), Greenwich (littérature en version originale), et plusieurs librairies BD. Ty Bull, créée en 1979, a été rachetée en 2010 par Xavier Rossi, qui a cédé 60 % à Frédéric Lorand en 2019 pour acheter M'Enfin?!, la deuxième librairie rennaise avec 1,2 million d’euros de chiffre d’affaires en 2024. Critic, qui fête ses 25 ans, s’est spécialisée dans le polar et l’imaginaire, et a investi dans le manga en 2022. Japanim, déjà présente sur le manga, a déménagé en 2023 dans un espace de 300 m² pour proposer aussi des produits dérivés. Collections du Palais, depuis 17 ans, vend de la BD de collection.
Depuis la fin des années 2000 et le début des années 2020, de nouvelles librairies généralistes mais à forte identité ont vu le jour. Nuit des temps (ouverte en 2017) met en avant le féminisme et les questions LGBTQI+. Comment dire (2022) s’appuie sur la littérature et les sciences sociales. Nilmë (2022) propose un espace café et se distingue par une offre queer, LGBT et boy’s love, tout en accueillant régulièrement des artisans. The Little Bookshop (2024) organise des discussions en anglais et propose papeterie, jeux et cadeaux. Jean Calvin (2021) renforce l’offre religieuse. La Livrerie des Jacobins (2021) propose 3 000 références BD et des bières, avec une sélection resserrée.
Trois librairies de quartier existent : La Rencontre (2022) à l’est (bassin de 28 000 habitants), L’établi des mots (2021) au nord et L’Astrolabe (2022) au sud, toutes deux coopératives. L’Astrolabe porte l’ADN de la maison d’édition Argyll, spécialisée dans l’imaginaire. En avril 2025, l’ouest de la ville a vu l’ouverture d’une librairie associative à l’université, portée par les étudiants du master Métiers du livre et de l’édition.
Le Failler, qui fête ses 100 ans, est la première librairie rennaise et la 11e française en chiffre d’affaires (8,9 millions d’euros en 2024), avec 47 ETP (équivalents temps plein), et vise 100 000 titres en rayon d’ici fin 2025 (contre 88 000 actuellement). Elle a ouvert une antenne bien-être en 2023, puis une autre en beaux-arts, et a renforcé ses rayons BD, romance, littérature en VO et manga. Sa librairie éphémère scolaire de l’été 2024 sera reconduite. Son principal concurrent est Amazon.
Certaines librairies ont fermé : La Nef des fous (BD) a cessé son activité en 2024 après huit ans, en raison de conditions de travail difficiles (45 heures par semaine pour moins d’un Smic). Pécari Amphibi a perdu son local, récupéré par le propriétaire. Alphagraph, après des dégâts des eaux, a été remplacée dix ans après sa fermeture par la Livrerie des Jacobins. Le Forum du Livre, placé en redressement judiciaire en 2024 à cause d’une hausse de loyer, a été repris par Socultur (Cultura).
Planète Io, fondée en 1995 par Bernard Vallée, se veut indépendante et promeut le partage, sans engagement politique affiché. Sa gérante actuelle, Bernadette Vallée-Seigneur, souligne la solidarité entre libraires rennais.
Le marché du livre à Rennes est dynamique mais concurrentiel. Selon Marie-Cécile Grimault, il n’existe pas d’étude précise sur l’impact des nouvelles ouvertures sur le marché global. Elle conseille aux futurs libraires de privilégier la reprise plutôt que la création, et de faire preuve de prudence, rappelant qu’il y a une librairie pour moins de 18 000 habitants en Bretagne, contre 30 000 au niveau national.