Julien Papelier, directeur général de Média-Participations : "La clé reste l'acte de création, associé à la capacité à vendre"
Bulletin : LH le magazine juin 2025
01 juin 2025
Numéros de page :
pp.56-59
Média-Participations, quatrième groupe éditorial français, est dirigé depuis dix-huit mois par Julien Papelier, qui a intégré l’entreprise il y a onze ans. Le groupe bénéficie d’un actionnariat stable, majoritairement détenu par Vincent Montagne et sa famille, avec le soutien d’investisseurs privés et institutionnels engagés sur le long terme. Média-Participations se distingue par une diversification de ses activités : édition (Dargaud, Le Seuil, Dupuis, La Martinière, Michelin), jeux vidéo, jeux de société, production audiovisuelle et parcs d’attractions. Malgré cette diversité, le livre demeure central, représentant 60% du chiffre d’affaires du groupe et servant de laboratoire de création.
La stratégie de déploiement à 360° permet au groupe de développer ses créations sur de multiples supports, favorisant des opportunités internationales, notamment aux États-Unis avec Abrams Books et en Allemagne avec Knesebeck. Des succès comme l’adaptation en bande dessinée de "La route" de Manu Larcenet, issue du roman de Cormac McCarthy, illustrent cette dynamique. Les adaptations, qu’elles soient en bande dessinée pour différents publics ou en productions audiovisuelles, élargissent l’audience des œuvres et dynamisent les ventes de livres. Les séries jeunesse telles que Yakari, Les Schtroumpfs, Marsupilami, Louca ou Les Sisters bénéficient de cette stratégie, leur permettant de mieux résister à l’érosion du temps. Cette approche multisupport attire également de nouveaux talents, désireux de voir leurs créations voyager sur différents médias.
Julien Papelier, né le 9 juin 1976 à Metz, diplômé d’HEC en 2000, a débuté sa carrière comme consultant chez Roland Berger, puis a occupé des postes de direction chez L’Oréal avant de rejoindre Média-Participations en 2014. Il a successivement dirigé Média-Diffusion, les éditions Dupuis, l’audiovisuel MPP, le parc Spirou, et a été nommé directeur général adjoint en 2023, puis directeur général opérationnel en 2024.
Sa feuille de route vise à recentrer les équipes sur l’essentiel, la création, dans un marché dominé par l’offre. Malgré l’omniprésence des écrans, l’intérêt des jeunes générations pour la lecture demeure, comme en témoigne leur présence au Festival du Livre de Paris. L’évolution des modes de consommation, la réduction des formats audiovisuels, la diversification des supports et l’internationalisation du marché imposent au groupe de créer un lien direct avec le consommateur final, afin de ne pas laisser cette médiation aux géants du numérique (Gafa).
La clé du métier reste l’acte de création et la capacité à vendre. Le rôle de l’éditeur consiste à accompagner la création et à assurer la transmission, ce qui requiert des compétences en vente, communication et marketing, en constante évolution. L’intégration du digital, des techniques de référencement, d’acquisition et d’influence est devenue indispensable. Pour libérer du temps en faveur de la création et de la vente, le groupe a mutualisé certains services (informatique, finance) et ajusté son organisation.
Face à des concurrents majeurs comme Editis et Hachette, leaders sur le secteur de l’illustré, Média-Participations a regroupé les ressources de Fleurus et La Martinière, deux marques aux identités distinctes, afin d’améliorer l’analyse de marché, la coordination des actions, la fabrication et la commercialisation, tout en préservant l’autonomie éditoriale et l’identité de chaque marque. Les équipes sont encadrées par un spécialiste pour renforcer la vision stratégique et la coordination.
Le groupe, qui emploie 2 000 personnes, a connu des contestations sociales liées aux changements structurels récents. L’organisation, historiquement structurée en holding avec de nombreuses filiales autonomes, a été repensée pour favoriser l’agilité, l’intégration et la coopération, notamment par la mutualisation de fonctions non essentielles à dupliquer dans chaque filiale. L’objectif est de permettre aux équipes de se concentrer sur la recherche de textes de qualité, la rencontre d’auteurs et la défense des œuvres, plutôt que sur des aspects techniques ou logistiques.
La fonction de dirigeant d’un grand groupe éditorial s’est complexifiée, notamment avec l’émergence de l’intelligence artificielle et la multiplication des canaux d’influence. Autrefois, une bonne critique dans les médias traditionnels suffisait à assurer le succès d’un livre ; aujourd’hui, il faut composer avec la diversité des réseaux sociaux et des sphères d’influence. L’accompagnement des talents et l’adaptation aux nouvelles méthodes de travail sont devenus essentiels. L’arrivée de nouveaux profils, comme Glenn Tavennec au Seuil, illustre l’importance d’innover dans la conception des catalogues et la défense des auteurs.
Les défis majeurs du groupe tournent autour de la création et de la vente, considérées comme les deux gestes essentiels de l’éditeur. Garantir la vente des livres est crucial pour assurer la pérennité de la chaîne du livre (libraires, éditeurs, auteurs) et l’avenir des 2 000 salariés du groupe, tout en répondant aux attentes des actionnaires.