Nous comprenons mal l'Algérie car nous la connaissons mal. Nous ne parlons pas sa langue. Nous ignorons des pans entiers de son histoire - Michel Pierre évoque dans le numéro la régence d'Alger (1516-1830), une période qui ne se réduit pas à des aventures de pirates, comme on a voulu nous le faire croire. Les autorités algériennes ont construit un roman national qui repose sur des mythes et des gestes héroïques ; les sombres épisodes sont passés sous silence. Ainsi la Charte pour la paix et la réconciliation nationale adoptée par référendum le 29 septembre 2005 amnistie tous les criminels de la "décennie noire". Étouffer la vérité et empêcher la justice engendrent frustrations et névroses. Le refoulement aboutit un jour ou l'autre à des désirs de vengeance. Le sempiternel discours antifrançais est un subterfuge qui sert la flamme nationaliste et élude le travail de mémoire. Les tensions entre la France et l'Algérie s'aggravent un peu plus chaque jour. Tant que nos relations seront fondées sur le contentieux, sur l'affectif, en un mot sur les passions humaines, nous ne pourrons pas sortir des logiques d'affrontement. "Non seulement les menaces ne peuvent que crisper, mais elles nuisent aussi à notre crédibilité quand elles ne sont pas suivies d'effet : il faut faire sans dire et non pas dire sans faire", écrit dans nos pages Bernard Bajolet. L'ancien ambassadeur en Algérie craint une rupture avec la jeunesse algérienne, ce qui rendrait impossible un futur commun. La ligne rouge est aujourd'hui Boualem Sansal, en danger de mort. À quand sa libération ? Sommaire. Entretien avec Pierre Vermeren : "Nous sommes dans un piège franco-algérien". Kamel Daoud : "La France ne peut pas comprendre l'Algérie". Le pouvoir algérien : un logiciel militaro-civil. L'Algérie dans la tourmente d'un monde dérégulé. Le poison lent de la rente pétrolière et gazière. Chère Algérie... 1516-1830 : la régence d'Alger. Le "royaume arabe" de Napoléon III. Abd ei-Kader, l'Algérien exemplaire Jacques Frémeaux. Irez-vous en Algérie cet hiver ? Un certain Camus. Les écrivains contre le pouvoir, le pouvoir contre les écrivains.