Derrière la tentative de coup d'Etat se joue une lutte à mort entre le président turc et son ennemi juré, Fethulla Gülen. Cet imam a tissé depuis plus de trente ans un puissant et mystérieux réseau aux ramifications mondiales, qui menace le pouvoir Erdogan.

Accusant Fethullah Gülen d'avoir fomenté le coup d'Etat manqué du 15 juillet 2016, le président Erdogan a entrepris d'éradiquer toute trace de la confrérie de l'imam exilé aux Etats- Unis. Mais la chasse aux sorcières vise en réalité l'ensemble de l'opposition.

Pourquoi le président turc est-il devenu ce tyran qui veut modeler la société à son image : paternaliste, religieuse, nationaliste ?

Le président turc rêvait que son pays retrouve sa place de bras armé et de leader du monde musulman sunnite. La défaite de ses alliés à Alep-Est, l'assassinat de l'ambassadeur russe à Ankara et l'attentat du Nouvel An à Istanbul, revendiqué par Daech, montrent, selon le chercheur Hamit Bozarslan, l'impasse de sa stratégie.

Mis en cause dans diverses affaires de corruption, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a encore aggravé son impopularité par sa volonté de censure des médias et d'Internet. Il se retrouve d'autant plus en état de faiblesse qu'il a définitivement perdu un allié de poids : M. Fethullah Gülen, fondateur d'un mouvement d'inspiration soufie dont l'influence dépasse les frontières du pays.

Ravivées par la guerre en Syrie et par l'afflux de réfugiés en Europe, des tensions opposent de manière récurrente la Turquie à son partenaire historique allemand et à son rival ancestral iranien. Elles devraient persister, malgré une dynamique de rapprochement diplomatique entre Ankara et Téhéran pour la recherche d'un cessez-le-feu durable entre tous les acteurs du conflit syrien.

Islamiste reconverti en musulman démocrate, il conduit d'une main de fer ses troupes de l'AKP vers une troisième victoire électorale, a sorti l'armée du champ politique et survécu à la fin du rêve d'une adhésion rapide à l'Europe.

Au pouvoir depuis dix ans, de plus en plus autoritaire, le Premier ministre Erdogan impose au pays un tournant conservateur, puritain et intolérant.

Violences policières, loi contre l'alcool, médias muselés... les manifestations de la place Taksim dénoncent la dérive autoritaire du Premier ministre islamiste.

Il y a les indignés de la place Taksim, jeunes, libéraux, nationalistes ou d'extrême gauche... Mais dans les quartiers populaires, il y a tous ceux pour qui Recep Tayyip Erdogan reste un héros, l'homme des aides sociales, celui qui a sorti le pays du marasme économique.

Mécontent de ne pas avoir obtenu en juin une majorité à même de renforcer son pouvoir et ses attributions, M. Recep Tayyip Erdogan a convoqué de nouvelles élections législatives qui se tiendront le 1er novembre 2015. Pour mettre toutes les chances de son côté, le chef de file des islamo-conservateurs durcit la répression vis-à-vis de ses opposants en ciblant les forces progressistes et en bombardant les Kurdes.

La Turquie est depuis des années le théâtre d'une lutte sans merci entre deux hommes incarnant chacun une vision de l'islam politique. D'un côté, le Premier ministre Erdogan, aux affaires depuis 2003, régulièrement élu et fort d'un bilan économique impressionnant. De l'autre Fethullah Gülen, un intellectuel influent qui, depuis sa retraite américaine, étend son emprise sur les principaux rouages de l'Etat. Ce conflit où tous les coups sont permis menace la stabilité du pays.