Yves la Prairie fut marin et scientifique avant de devenir un écrivain de mer. Il était l'ami d'Henri Queffelec, décédé en 1992, qu'il considérait un peu comme son maître. Il trace le portrait de l'écrivain breton et catholique, auteur de Un Recteur de l'île de Sein.

Il manquait sur Hoffmann, fou de musique, de vin, de nostalgie (et d'inaccessibles fillettes), une biographie qui s'ouvre aux valeurs de l'inconscient. Pierre Péju, spécialiste incontesté du Romantisme allemand, nous restitue, à mi-chemin du roman et de l'essai, la figure émouvante du grand «fantastiqueur» et de son époque. «Pierre Péju raconte la vie de son héros, et c'est déjà un conte fantastique...» PAUL GRAVILLON Le Progrès

T'as 17 ans. Les Allemands qui ont pourri ton adolescence sont enfin partis. Tu te retrouves dans un minuscule taudis avec un père macaroni, cimentier, perdu dans ses rêves d'alcoolo. Toi, tu veux devenir un grand peintre très riche et surtout très célèbre. Alors commence un foutu apprentissage. T'as charrié des jambons de marché noir, te voilà trafiquant des faux manuscrits de Paul Éluard avec qui tu bois des coups à Montparnasse. Tu joues dans un film perdu d'Alain Resnais. Tu prends le thé chez Michèle Morgan. T'es "groupie" d'André Breton. Tu bosses, comme un certain François Mitterrand, pour le milliardaire Schoeller. Tu copines avec Hergé, Goscinny, Jacques Brel. Tu te fais bombarder avec des œufs par Dali. Tu joues aux boules avec Marcel Aymé. Tu flirtes en direct à la télé avec Barbara. Tu hantes les boîtes de pédés de Barcelone avec Copi... Et à quarante ans, enfin, t'as ta gueule dans Match. Mais t'es toujours pas peintre. Et t'as toujours rien compris à cette drôle de randonnée qu'est la vie. T'as pas mal rigolé. T'en as beaucoup beaucoup bavé. Mais, comme disait le vieux Henry Miller: "Toujours vif et joyeux!".

La naissance en 1963, de son fils handicapé, Hikari, a bouleversé l'existance personnelle et familiale de l'auteur, et son rapport au monde. Ce texte est la chronique intime et émouvante d'une victoire remportée sur ce qui avait été à l'origine accueilli comme une triste fatalité. Entouré de soins, Hikari a pu épanouir sa personnalité et devenir enfin un compositeur estimé. (Livres hebdo : livres du mois, 3, 1998)