Les argumentaires américains et britanniques, au moment de l'intervention en Irak, ont relancé une polémique vieille de plus de deux siècles, à savoir la controverse philosophique qui a opposé Kant à Benjamin Constant au sujet d'un "prétendu droit de mentir par humanité".

Kant est souvent présenté comme le penseur d'une modernité héroïque où l'on ne craignait pas de croire en la liberté de l'homme. ll lui manquerait une conscience du tragique et de la fragilité des choses humaines. Pour lui, le devoir d'autonomie vaut inconditionnellement et pour tous. Mais qu'entend-il par autonomie ? Et quelle peut être la valeur de cette instance critique ?

Qu'est-ce qui distingue l'homme ? Kant formule au mieux le critère classique en la matière : "Une chose qui élève infiniment l'homme au-dessus de toutes les autres créatures qui vivent sur la terre, c'est d'être capable d'avoir la notion de lui-même, du moi. C'est par là qu'il devient une personne ; et, grâce à l'unité de conscience qui persiste à travers tous les changements auxquels il est sujet, il est une seule et même personne. La personnalité établit une différence complète entre l'homme et les choses, quant au rang et à la dignité.

Le philosophe s'interroge sur l'aptitude de la raison à produire des connaissances. Si, pour les phénomènes physiques, elle est légitime, au-delà, elle laisse place à la pensée. Donc à l'espoir.

La démocratie, assure le philosophe de Königsberg, est, "au sens propre du terme", un despotisme, car seul le peuple décide et exécute. Aussi doit-on lui préférer - ou lui ajouter - la République, qui est un système représentatif.