En 2019, "Actes de la recherche en sciences sociales" consacrait un numéro aux relations entre « temps et pouvoir ». Il s’achevait par un entretien avec Javier Auyero, autour de son ouvrage "Patients of the state. The politics of waiting in Argentina". En s’appuyant notamment sur une ethnographie des salles d’attente de l’État social argentin, l’auteur y développait l’intuition de Pierre Bourdieu selon laquelle « l’attente est une des manières privilégiées d’éprouver le pouvoir ».

« C'est un véritable vol d'enfants, c'est une affaire d'État. » Le ton posé, le regard soutenu, Valérie Andanson témoigne face caméra. Dans sa voix résonnent celles des « enfants de la Creuse », ces milliers de jeunes Réunionnais arrachés à leur île natale pour peupler le désert rural de Métropole. Une génération sacrifiée sur l'autel d'une utopie républicaine. Adultes, ils ont été moins de 200 à prendre le chemin du retour, à reconstituer le puzzle de leurs familles éclatées.

Entre 1962 et 1984, des centaines d'enfants de La Réunion ont été placés de force dans des familles en France métropolitaine. Un drame évoqué avec sensibilité par Téhem, auteur de BD d'origine réunionnaise.

"Comment peut-on se proclamer société lorsqu'on n'est pas capable de protéger les plus vulnérables ?" Ces derniers mois, d'anciens enfants placés ont interpellé les députés de la commission d'enquête sur les failles de l'Aide sociale à l'enfance. Errance de foyer en foyer, carences affectives, orientation subie, et souvent la rue une fois majeurs : les parcours heurtés de ces "oubliés de la République", comme ils se désignent, pénalisent leur vie à venir.