Bris Rocher, président du Groupe Rocher et du consortium Green Impact Index : "le green impact index doit mettre les entreprises en mouvement"
Numéros de page :
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Bris Rocher, petit-fils du fondateur Yves Rocher, préside le conseil d’administration du Groupe Rocher, qui opère six marques à travers le monde, dont deux en cours de cession. De 2006 à 2023, il a dirigé le groupe en tant que CEO avant de se concentrer sur les sujets RSE. Depuis septembre 2024, il préside également le consortium Green Impact Index (GII), un critère de notation des produits cosmétiques validé par l’Afnor, regroupant une vingtaine de marques, avec l’ambition d’élargir encore ce collectif.
Le Green Impact Index évalue de façon holistique l’impact des produits cosmétiques, prenant en compte la formule, le packaging, l’empreinte carbone, le cycle de vie, ainsi que les conditions sociétales de fabrication. La notation (A, B, C, D, etc.) est conçue pour être simple et compréhensible, à l’image du Nutri-score. Le GII n’est pas affiché sur les emballages pour éviter des changements fréquents et inutiles, mais est disponible en ligne pour permettre des mises à jour instantanées. Le consortium comptait à l’origine une vingtaine de membres fondateurs en 2022, dont Léa Nature, et continue de s’agrandir avec des marques comme Aroma-Zone. Chez Yves Rocher, une soixantaine de produits sont déjà notés, avec l’objectif d’étendre cette démarche à la majorité des références.
Bris Rocher défend une mobilisation volontaire des entreprises plutôt qu’une obligation réglementaire, estimant que la transparence et l’engagement seront des facteurs de choix pour les consommateurs parmi plus de 10 000 marques de soin et beauté dans le monde. Il distingue le GII de l’Eco Beauty Score, qui se concentre uniquement sur l’analyse du cycle de vie (ACV) et les enjeux environnementaux, alors que le GII adopte une approche plus globale, intégrant aussi les impacts sociaux.
Le Groupe Rocher a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros, en hausse de 2,4 % par rapport à 2023. La marque Yves Rocher représente 1,1 milliard d’euros, soit 53 % du chiffre d’affaires global, avec 643 magasins en France (37 200 m² de surface de vente) et 3 000 magasins à l’international. Arbonne réalise 286 millions d’euros de chiffre d’affaires (13 % du total), Sabon 132 millions (6 %), Dr Pierre Ricaud 55 millions (2,5 %). Les marques en cours de cession sont Petit Bateau (264 millions d’euros, 12 %) et Stanhome (198 millions, 9 %).
Depuis 2020, le groupe a traversé une succession de crises (Covid, inflation, crises internationales), mais n’a manqué ses engagements bancaires qu’une seule année et n’a jamais sollicité de Prêt Garanti par l’État (PGE), témoignant de la robustesse de son modèle. En 2024, le groupe a atteint une stabilité d’activité, avec un réseau dense en France et une stratégie de développement adaptée à chaque pays (magasins en propre, franchise, location-gérance).
Le groupe se concentre désormais sur la beauté et le bien-être naturels, efficaces et engagés, d’où la cession de certaines marques. Arbonne, basée en Californie, est axée sur le bien-être et les compléments alimentaires ; Sabon réalise 80 à 90 % de son chiffre d’affaires en Asie, principalement au Japon ; Dr Pierre Ricaud allie plantes médicinales et actifs dermatologiques.
Yves Rocher se distingue par son modèle de boutique, offrant une gamme complète de beauté sur 40 m² à des prix accessibles, avec une signalétique et un agencement favorisant l’autonomie des clients. Le CRM est un point fort, avec 6 à 7 millions de clients actifs et une base de 15 millions, soit deux femmes sur trois en France qui achètent des produits Yves Rocher. Le point de vente physique reste central, avec l’institut de beauté présent dans presque tous les magasins, tandis que l’e-commerce représente environ 10 % de l’activité.
Malgré la conjoncture économique incertaine, le groupe n’a pas renoncé à ses engagements écologiques, même si les investissements ont été réduits. Plus de 100 millions d’arbres ont été plantés, un objectif initialement fixé à un million. Les incentives des managers reposent sur trois critères : profitabilité, désirabilité et engagement. Les financements bancaires sont indexés sur la notation des produits, la réduction de l’empreinte carbone et la formation des collaborateurs.
Bris Rocher envisage l’avenir du groupe focalisé sur son domaine d’excellence, avec potentiellement de nouvelles marques, davantage de produits responsables, plus d’arbres plantés et un engagement humain renforcé. Il souhaite que le Green Impact Index devienne un référentiel européen, voire mondial, pour accompagner la transformation du secteur cosmétique vers plus de responsabilité et de transparence.