Ferrari, le Hermès de l’automobile
Bulletin : Nouvel économiste 18 juillet 2025
Numéros de page :
p.6
Ferrari, basé à Maranello, se distingue dans l’industrie automobile par son design italien, son exclusivité et son histoire sportive. En 2024, Ferrari a vendu moins de 14 000 véhicules, contre 5,7 millions pour Stellantis, mais sa capitalisation boursière atteint 76 milliards d’euros, surpassant largement celle de Stellantis (25 milliards d’euros). Seuls Tesla, Toyota et BYD sont mieux valorisés. Ferrari affiche une marge opérationnelle de 28 %, bien supérieure à celle des constructeurs généralistes. Depuis sa séparation de Fiat Chrysler, Ferrari a doublé ses ventes et son chiffre d’affaires par rapport à 2015, et sa valeur boursière est aujourd’hui neuf fois supérieure à celle de son introduction en bourse.
Sous la direction de Benedetto Vigna depuis 2021, issu du secteur des semi-conducteurs, Ferrari a renforcé son positionnement de marque de luxe, comparable à Hermès. La stratégie reste fidèle à la maxime d’Enzo Ferrari : vendre “une voiture de moins que ce que le marché demande”, maintenant ainsi l’exclusivité. Ferrari a connu sa plus forte croissance au Moyen-Orient et a augmenté ses prix à un rythme inédit : alors que les nouveaux modèles étaient auparavant 3 à 5 % plus chers que les précédents, la nouvelle 12Cilindri coûte 30 % de plus que la 812 Superfast. Les modèles phares, comme la F80 à 3,6 millions d’euros (contre 1 million pour la LaFerrari lancée 12 ans plus tôt), génèrent des revenus importants : la F80 devrait rapporter plus de 2,3 milliards d’euros selon Jefferies.
Pour maintenir l’intérêt entre les lancements de modèles phares, Ferrari propose des éditions limitées comme la Daytona SP3 (2 millions d’euros), et offre de nombreuses options de personnalisation qui peuvent augmenter le prix de 20 %, portant le coût moyen à plus de 500 000 euros selon Barclays. Environ 80 % des clients sont déjà propriétaires d’une Ferrari, et la marque entretient une relation étroite avec ses 180 concessionnaires mondiaux. Les ventes de la F80, limitée à 799 exemplaires, ont été trois fois supérieures aux prévisions ; pour l’obtenir, il fallait déjà posséder plusieurs Ferrari et participer à des événements exclusifs.
Ferrari se distingue des autres marques de luxe comme Hermès par sa combinaison d’héritage et de technologie de pointe, et par sa participation à des compétitions automobiles majeures. Les clients chinois ne représentent que 8 % des ventes (contre près de 40 % chez Hermès), et la clientèle de Ferrari est presque exclusivement composée de très riches, moins sensibles aux ralentissements économiques. Contrairement à Hermès, qui vend aussi des produits plus abordables, Ferrari reste focalisé sur le très haut de gamme.
Les défis à venir concernent principalement la transition vers l’électrique. Le premier modèle électrique, l’Elettrica, sera lancé l’an prochain, et l’usine de Maranello a doublé de taille pour permettre la production de véhicules électriques sans réduire celle des modèles thermiques. Cependant, l’accueil réservé aux supercars électriques concurrentes a été mitigé, et un report de deux ans (à 2028) du second modèle électrique a été annoncé le 17 juin, suscitant des inquiétudes sur la capacité de Ferrari à réussir ce virage sans ternir son image.