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Jean-Paul Mochet, PDG de Prosol (Grand Frais) : "Nous pouvons doubler notre parc de magasins"

Numéros de page :
pp.6-11
Chiffre d’affaires 2024 de Prosol : 4 milliards d’euros, avec un Ebitda proche de 350 millions d’euros, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Grand Frais, enseigne phare de Prosol, atteint 4,59 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, en croissance de 15 % par rapport à 2023. Prosol affiche une croissance annuelle de 15 %, poursuivant son expansion sur un marché du frais stable. Jean-Paul Mochet, ex-dirigeant de Franprix et Monoprix, dirige Prosol depuis mars 2024, avec une stratégie axée sur la maîtrise produit, la spécialisation métier et une intégration industrielle poussée. Le groupe Prosol s’appuie sur un modèle original initié par Denis Dumont, fondé sur la maîtrise de toute la chaîne de valeur, du sourcing direct à la distribution, en passant par la transformation et la logistique. L’organisation repose sur cinq business units : fruits et légumes, marée, crémerie, produits carnés et traiteur frais. Chaque unité fonctionne comme une chaîne intégrée, de la production à la mise en rayon. Par exemple, pour les fruits à noyau, Prosol intervient dès le choix de la variété, la récolte, le tri, la maturation, jusqu’à la logistique sous température dirigée et la formation des équipes en magasin. Prosol emploie plus de 100 acheteurs répartis sur le territoire, chacun spécialisé (ex : un acheteur de comté dans le Jura, un acheteur de pommes de terre dans la Somme). Pour chaque univers, un responsable de filière supervise l’ensemble du processus, de l’achat à la valorisation du produit. L’entreprise dispose de ses propres mûrisseries, caves d’affinage, ateliers de découpe et de transformation, et d’un chef cuisinier dédié à l’innovation. La fraîcheur est un axe stratégique : moins de 24 heures entre la récolte et la mise en rayon pour les salades, moins de 4 heures après la sortie de terre pour l’acheminement des produits vers les magasins. Les plateformes logistiques sont vidées chaque jour, les livraisons ont lieu avant l’ouverture des magasins. La découpe des fruits est internalisée, avec des exemples comme la mangue, mûrie puis découpée et commercialisée dès le lendemain. Prosol vise l’indice 100 sur les prix, grâce à la suppression des intermédiaires, permettant de réallouer la valeur au produit et de proposer des prix accessibles. Le taux de casse sur le rayon fruits et légumes est de 6 %, soit deux fois inférieur à la moyenne nationale. Les produits sont goûtés à l’entrée, manipulés avec précaution, seuls les volumes nécessaires sont mis en rayon, ce qui permet de mieux rémunérer les producteurs et de maintenir des prix compétitifs. Le groupe compte 329 magasins Grand Frais, 58 Fresh, 21 La Boulangerie du marché, 5 Biofrais, 2 Mon-marché.fr et 5 Banco Fresco en Italie. Grand Frais détient 4,5 % de part de marché en valeur sur les produits frais traditionnels (+9,6 % vs année précédente), un taux de pénétration de 23 % (+8 %), une fréquence d’achat de 10 fois par an (-1 %). Les parts de marché par catégorie sont : fromages 9,1 %, fruits & légumes 6,7 %, viandes 2,2 %. La clientèle est composée à 35,9 % de plus de 65 ans, 34,8 % de 50-64 ans, 19,6 % de 35-49 ans, 9,7 % de moins de 35 ans, et 71,3 % issus des classes moyennes et supérieures. La feuille de route sur cinq ans, intitulée « Croître sans se renier », vise une croissance durable, fidèle aux fondamentaux, avec une dimension sociale et environnementale. 67 % des producteurs français de fruits et légumes partenaires sont labellisés HVE (contre 5 % au début de la démarche). Le développement est raisonné : en cinq ans, un seul magasin fermé sur 329, tous les autres sont rentables. Le modèle de magasin est standardisé : halle-marché de moins de 1 000 m² de surface de vente, 1 000 m² de réserve, grands parkings, concept éprouvé. L’expansion s’est d’abord concentrée autour de Lyon, puis en Île-de-France et à l’Ouest. Le potentiel de développement reste important, avec la possibilité de doubler le parc de magasins. Certains magasins ouverts depuis plus de 30 ans enregistrent encore une croissance annuelle de 5 %. Le concept Fresh compte 58 points de vente, avec une moyenne de 20 ouvertures par an. Mon-marché.fr, format omnicanal de proximité urbaine, est testé à Paris et Puteaux sur moins de 500 m², avec des performances supérieures aux standards du secteur. Un nouveau magasin ouvrira cette année, cinq autres en 2026. La Boulangerie du marché, créée il y a trois ans, compte 21 points de vente, avec une hausse de fréquentation de 10 à 15 % lorsqu’elle est implantée à proximité d’un Fresh ou Mon-marché.fr. Biofrais, avec 5 magasins, sert de laboratoire pour les produits bio, sans objectif chiffré d’expansion. Prosol a centralisé la préparation des commandes en ligne dans un entrepôt de 3 000 m² à Thiais, permettant d’augmenter le panier moyen à plus de 100 euros et d’améliorer la productivité. Mon-marché.fr enregistre une note Google de 4,5. Grand Frais gagne environ 450 000 foyers par an, y compris dans les zones historiques. L’offre s’adapte rapidement aux tendances, comme l’introduction du raisin Cotton Candy, et la montée en gamme de la marée, avec une baisse de 20 % des prix des poissons en quelques années grâce à l’intégration d’Océalliance. La data et l’intelligence artificielle sont intégrées au modèle Prosol, avec le développement d’outils propriétaires pour anticiper les flux, optimiser le service après-vente, piloter les approvisionnements et concevoir de nouveaux concepts de magasins. L’IA intervient aussi dans l’affinage des fromages, en croisant plusieurs milliers de données pour garantir une qualité constante. Une balance équipée de reconnaissance visuelle des produits est en cours de déploiement dans les magasins Fresh et Mon-marché.fr, avec l’objectif de généraliser le dispositif à 60 magasins d’ici fin juillet, réduisant les erreurs d’identification et le temps d’attente en caisse. Prosol a récemment choisi de se refinancer, mais n’est pas à vendre à ce jour. Le fonds Ardian, présent au capital depuis 2017, pourrait décider d’une vente à l’avenir, mais ce n’est pas d’actualité. Le modèle d’actionnariat spécifique n’empêche pas la cession du groupe, qui dispose de son propre compte de résultat. Prosol examine des opportunités de croissance externe, comme le rachat de Novoviande, si elles permettent un accès privilégié à la matière première, une innovation sur le goût ou un gain de productivité. Les clés du modèle Prosol : spécialisation sur le frais brut, intégration industrielle poussée, absence de marques nationales, réseau Grand Frais organisé en GIE avec gouvernance autonome, développement maîtrisé (20 ouvertures par an), pilotage par le produit et non par le prix, suppression des promotions au profit du sourcing direct et de la spécialisation.