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Daniel Julien, l’insubmersible

27 juin 2025
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Numéros de page :
pp.9-10
À 72 ans, Daniel Julien dirige Teleperformance, leader mondial de la relation client, avec 500 000 collaborateurs dans plus de 100 pays. Parti en 1978 avec dix lignes téléphoniques à Paris, il a bâti en 47 ans un groupe qui a triplé son chiffre d’affaires annuel à ses débuts, grâce à l’innovation dans les scripts, la segmentation des prospects et l’introduction de la numérotation prédictive, réduisant de 20 % les temps morts des agents. Teleperformance devient numéro 1 européen en 1995, puis mondial en 2004. Julien, décrit comme obsédé par le client, les chiffres et la présence terrain, passe 200 jours par an en déplacement. Discret dans les médias (moins de dix interviews entre 2018 et 2025), il privilégie le management de terrain et l’observation directe. Il anticipe les évolutions technologiques : analyse de données avant le big data, digitalisation de l’expérience client avant l’ubérisation, internalisation de la modération de contenus avant que le métier n’existe officiellement. En 2013, Teleperformance dépasse le milliard d’euros de chiffre d’affaires et n’est déjà plus un simple centre d’appels. Lors de la pandémie, il bascule 200 000 agents en télétravail en six semaines. Face à l’essor de l’IA générative dans les années 2020, Julien investit massivement : il devient membre du club Abundance 360 de Peter Diamandis, s’associe à Carnegie Mellon pour créer un centre de recherche IA et intelligence émotionnelle, et lance la stratégie “Future Forward” avec la plateforme propriétaire FAB. Un plan d’investissement de 600 millions d’euros sur trois ans est annoncé. À la suite de cette annonce, l’action Teleperformance chute de près de 12 %, avant de se redresser, tandis que Julien relativise en invoquant la “destruction créatrice” de Schumpeter et l’action des vendeurs à découvert. Teleperformance multiplie les alliances, notamment avec la start-up Sanas, dont l’algorithme de neutralisation d’accent fait gagner 4 % à l’action en séance, mais suscite des critiques sur la diversité linguistique et le “blanchiment vocal”. Julien précise que l’outil est optionnel, vise la compréhension mutuelle, et annonce la création d’un comité d’éthique externe. Les premiers tests montrent une baisse de 37 % des propos agressifs envers les agents philippins. L’entreprise met en avant des résultats opérationnels : plus de tickets résolus au premier contact, coûts d’opérations réduits de 20 %, promotion de plus de 5 000 agents à des postes de data analysts en deux ans. Julien n’ignore pas les difficultés : incidents liés à la modération de contenus, exposition à des images violentes, critiques sur la surveillance biométrique. Il ordonne des audits indépendants, étend le suivi psychologique à tous les pays et finance un master de psychologie du travail à Nairobi pour 20 superviseurs. Le rachat de Majorel en 2023 propulse Teleperformance au premier rang de l’étiquetage de data pour les géants de la tech. D’ici 2028, Julien vise 50 % du revenu issu de solutions “IA + humain” : annotation vidéo pour la conduite autonome, assistance virtuelle pour la silver economy, surveillance proactive de fraudes, centres techniques avec lunettes connectées, technologies “push” pour ingénieurs support. En août 2024, le cours de Teleperformance a perdu 18 % en six mois, fragilisé par l’intérim de Bhupender Singh comme CEO et la volatilité du marché. Le conseil d’administration confirme Daniel Julien comme directeur général, nomme Moulay Hafid Elalamy président du conseil et Thomas Mackenbrock directeur général adjoint, instaurant une gouvernance en triumvirat. Les réseaux sociaux concentrent plus de 75 % des attaques, souvent relayées par des influenceurs critiques sur les RH. Les sujets polarisants incluent la modération de contenus, la neutralisation des accents et l’analyse en temps réel. En 2024, Teleperformance affiche un chiffre d’affaires de 10,28 milliards d’euros, une croissance organique de 2,6 %, et prévoit pour 2025 une progression de 3 à 5 % et un dividende de 4,20 euros (+9 %). L’intégration de Majorel devrait générer 200 millions d’euros de synergies sur trois ans. L’IA est appelée à absorber une partie des coûts d’inflation salariale. Un prototype d’avatar 3D à reconnaissance faciale, capable de converser en 26 langues, a réduit de 27 % la durée moyenne d’appel pour un site marchand pilote. Le marché mondial du BPO est estimé à 510 milliards de dollars en 2030. Julien, capitaine “fait pour la houle”, investit avant d’y être contraint et relie science et sens, donnée et dignité, intelligence artificielle et émotionnelle. Il reste actif, écrit ses briefings à l’encre noire, lit les rapports ESG la nuit et joue au baby-foot avec les jeunes recrues. Sur la fiscalité des patrimoines, la proposition de loi inspirée par Gabriel Zucman, votée à l’Assemblée mais rejetée au Sénat, prévoit un impôt de 2 % sur la valeur nette du patrimoine (y compris professionnel) dépassant 100 millions d’euros, déduction faite des impôts sur le revenu et la fortune immobilière. La dette publique nécessite un effort de 120 milliards d’euros pour stabiliser son poids dans le PIB, rendant inévitable une hausse des prélèvements. Les inégalités de patrimoine, principalement issues des héritages, justifient une contribution accrue des plus aisés, de préférence via les droits de succession plutôt que des impôts annuels sur la fortune. Les grandes fortunes, souvent constituées d’actions détenues via des holdings, échappent à la flat tax de 30 % sur les dividendes, ceux-ci n’étant pas distribués. La plus-value latente n’est pas taxée si les parts ne sont pas vendues et transmises par héritage. Une réforme imposant les plus-values latentes au décès rapporterait de 2 à 4 milliards d’euros par an, loin des 15 à 25 milliards attendus de la taxe Zucman, jugés surestimés. La remise en cause des avantages fiscaux de l’assurance-vie pourrait rapporter 5 milliards d’euros supplémentaires. Cette imposition corrigerait une exemption fiscale anormale et associerait davantage les ménages aisés à l’effort de redressement des finances publiques.