Le Freiburger Barockorchester, dirigé depuis son violon par Gottfried von der Goltz, livre un enregistrement inédit de la rarissime Passion Das Selige Erwägen de Telemann. Au-delà d'une simple mise en musique du récit de la passion du Christ, comme chez Bach, on entend dans cette partition une succession de méditations. Si on connaît mal sa genèse, on sait que le succès de cette ouvre fut considérable, plus encore que celui de la Passion selon Brockes ou de l'oratorio La mort de Jésus. La clarté de la diction et la transparence des voix dans les chorals rendent ici justice à l'expression dramatique typique de ces ouvrages sacrés. De l'art théâtral de l'opéra naissant, Telemann s'inspire pour confier à l'orchestre le soin de souligner, grâce à une instrumentation raffinée, l'émotion, parfois doloriste, charriée par le texte. La sonorité des chalumeaux, ancêtres de la clarinette, enrichit la texture sonore et participe de la diversité de caractères qui témoigne de l'imagination du compositeur. (Electre)

En 1914, Stravinski est plus que jamais occupé par la Russie primitive et ses traditions. Il s'attèle ainsi, jusqu'en 1923, à la composition des Noces, qu'il destine aux Ballets russes. Ces 'scènes chorégraphiques avec chant et musique' représentent, en quatre tableaux, une cérémonie de mariage de la Russie paysanne. La musique de Stravinski conjugue brutalité rythmique et force incantatoire, rappelant le caractère à la fois éternel et inexorable du cérémonial nuptial. L'oeuvre connut plusieurs essais d'instrumentations différentes. Mathieu Romano, l'Ensemble Aedes et Les Siècles enregistrent ici pour la première fois l'intégralité de la version 1919 (achevée en 2007 par Theo Verbey), destinée à un ensemble mêlant percussions, cymbalums hongrois, harmonium, pianola et voix. Claire, mordante, découpée, cette instrumentation inouïe est transposée au Boléro de Ravel par Robin Melchior, dans une version inattendue qui, par sa suavité, se révèle une totale réussite.