Le mauvais oeil de Madame Abrah Kadabrah, la voyante extralucide du dessus, a été terriblement efficace : toutes les notes qui s'échappaient maintenant des instruments de musique de Trémolo - et, musicien dans l'âme, il jouait de tous - retombaient comme de grosses olives noires, comblant le sol de son appartement, dévalant les escaliers, roulant sous les pieds des passants. Chassé de chez lui, réfugié dans la montagne, Trémolo découvrit alors que "goûter la musique" n'était pas de vains mots : ses notes étaient exquises. De musicien il devint cuisinier, industriel, célèbre, et fut invité à la télévision. Hélas ! Son passage sur le petit écran fut plus qu'une catastrophe, un véritable cataclysme. Plus de télés, place alord aux bonnes soirées d'antan. Mais c'était compter sans le mauvais oeil de Madame Abrah Kadabrah qui elle, contrairement à Tomi Ungerer, aime la télévision. Humour toujours et sous l'outrance de la fable et du trait (la double page du catastrophique enterrement enchante), Tomi Ungerer rend un vivant hommage à la musique qui "en faim de comptes, [est] quand même mieux dans les oreilles que dans l'estomac." ARPLE