P. Besson pastiche la rentrée littéraire en inventant des articles critiques qui soulignent le manque d'originalité des nouveautés : un roman de femme chez Stock, le journal intime d'un anticonformiste au Rocher, un éloge de Philippe Sollers chez Gallimard, un récit antiraciste au Seuil, le chef-d'oeuvre d'un auteur scandinave chez Actes Sud...

En dépeignant, avec l'audace extrême dont elle est coutumière, la saison en enfer qu'elle vécut l'an dernier à même époque lors de la sortie de son livre "L'Inceste", Christine Angot a-t-elle basculé dans un narcissisme durassien, ou poursuit-elle courageusement, avec son souffle, sa voix, son haleine et tout son corps dolent, son entreprise (folle, vraiment ?) de mise à nu d'une vérité ? Ce récit dans lequel elle porte sur le monde littéraire (et sur elle-même) un jugement sans appel sera-t-il pris (une nouvelle fois) "comme une merde de témoignage", ou lui accordera-t-on le (légitime) statut d'écrivain qu'elle revendique ? ... Car Angot y hausse le débat. Elle transcende ce portrait au vitriol d'un petit milieu médiocre. Sous sa plume, la rentrée littéraire de l'an dernier devient une fresque balzacienne qu'elle décrypte et réorganise à sa manière : "Le cannibalisme à l'oeuvre". Au troisième acte du pamphlet, le théâtre de la cruauté change de scène. Angot-le "phénomène de foire" arrache son masque. Elle apprend, brutalement, la mort de son père. Pages magnifiques, où elle nous plonge dans l'arène de la tragédie, se débat pour donner des gages d'intégrité. La voilà Antigone, décidée à enterrer son père dignement. La voilà décidée à "quitter la ville" qui la mit en marge. Plus déterminée que jamais à écrire, plus incorruptible que jamais : "La société contre moi, ça ne marchera pas."