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Scénarios pour une ville bas-carbone

Bulletin : Urbanisme 416
A l’heure où "Ubranisme" boucle ce numéro, la planète vit une très grave crise sanitaire qui affecte pour la première fois depuis longtemps le monde occidental, l’Europe et la France. Impossible de prédire ce qui en sortira quand la pandémie sera derrière nous. Mais il est déjà frappant de constater que le fort ralentissement de l’activité économique, la réduction des mobilités et l’arrêt de la consommation hors alimentaire apaisent le climat des villes, réduisent les pollutions atmosphériques, et qu’une forme de frugalité s’impose aux modes de vie. Problème : en cette période de confinement et de fin d’hiver, la consommation énergétique des bâtiments ne faiblit pas, alors qu’elle est la première source des émissions carbone. Le 5 mars 2020, avant le début de la crise en Europe, la France avait déjà émis les gaz à effet de serre (GES) qu’elle devrait rejeter en une année si elle respectait l’objectif de neutralité carbone qu’elle s’est fixé pour 2050, selon une étude que le cabinet Carbone 4 a récemment réalisée pour le collectif L’Affaire du siècle. A ce rythme d’émissions, l’objectif ne sera atteint qu’en 2085. Son respect impose de ne pas dépasser un plafond annuel d’émissions de 80 millions de tonnes équivalent CO2 – des rejets qui doivent être compensés par des puits de carbone naturels ou des techniques de séquestration, comme l’explique Eric Vidalenc en ouverture du dossier. Or, selon la même étude, les émissions françaises devraient atteindre, en 2020, 450 millions de tonnes équivalent CO2. Soit cinq fois plus. Ces émissions ont baissé de 19 % depuis 1990 et leur niveau par habitant est l’un des plus faibles (6,4 tonnes par habitant) parmi les pays développés. Mais cette baisse est nettement insuffisante : les émissions devraient être divisées par plus de 5 au cours des trente prochaines années pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Peut-on changer aussi radicalement dans ce délai ? La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), outil de pilotage de ce budget, fixe des objectifs par secteur. En France, les deux secteurs les plus émetteurs concernent directement la ville : les transports (30 % des émissions) et le bâtiment (19 %). Pour parvenir à une décarbonation complète en 2050, les bâtiments doivent réduire de 49 % les GES d’ici 2030 et les transports de 28 %.Ce dossier (le premier consacré au sujet dans la revue) questionne les scénarios pour une ville bas-carbone et interroge les politiques mises en oeuvre par les villes. C’est là que se joue pour une large part la lutte contre le réchauffement climatique, estime Jacques Theys, même si la campagne électorale pour les municipales ne s’est guère focalisée sur cet enjeu. 67 % des émissions de GES proviennent des villes, rappellent des expertes de l’Institute for Climate Economics (I4CE), think tank proche de la Caisse des Dépôts et de l’Agence française de développement. I4CE a évalué qu’il faudra investir 15 à 18 milliards d’euros supplémentaires chaque année d’ici 2023, dans les seuls secteurs des énergies renouvelables, du transport et du logement pour s’engager vers la neutralité carbone. Pourtant, à en croire Jean Haëntjens, les villes, du moins certaines, sont en avance sur les États. Elles concentrent les problèmes, mais elles ont aussi des dispositions particulières pour inventer des solutions. Elles peuvent agir simultanément sur le bâtiment, le quartier, sur leur propre territoire et sur un territoire plus vaste, comme dans le cas du projet du Grand Genève. Sur la mobilité, on lira la passionnante contribution de Jean-Pierre Orfeuil en faveur du petit véhicule. Plus personne ne conteste l’urgence. Même les promoteurs et les constructeurs, comme en témoignent leurs propos au dernier Simi, affichent des convictions. Reste à tenir les engagements et à savoir par quelles trajectoires y parvenir. Pour l’heure, nous sommes très loin du compte. D’autant que, selon Sabine Barles, « la réduction des émissions de carbone dépasse la transformation du système énergétique urbain. Elle doit se traduire par une recherche de sobriété en toutes choses ». Cyria Emelianoff ne dit pas autre chose quand elle en appelle à « des formes radicales de sobriété, qui supposent des ruptures politiques ». C’est le défi le plus exigeant. Il concerne chacun. Pour Panos Mantziaras, c’est aussi là que « les métiers de la transformation de l’espace – l’urbanisme, l’architecture, le paysage – peuvent contribuer à nouveau à un projet de société par l’élaboration et la représentation d’un cadre de vie à la fois sobre en ressources, qualitatif en termes spatiaux et inclusif en termes sociaux ». Sommaire. Les ambiguïtés de la neutralité carbone. L'avance des villes. Où en sont les villes européennes ? Enseignements d'un exercice de prospective. Une esquisse des enjeux économiques et financiers. L'évaluation climat du budget. Métabolisme urbain et transition socio-écologique. Une « grammaire » pour un Paris neutre en carbone. A l'échelle du bâtiment. Des écoquartiers à la ville bas-carbone. Le cas du Grand Genève. Des petits véhicules pour aller vers la sobriété. Objectif ZAN. La diplomatie climatique des villes, chimère ou réalité ? Ouvrages de référence.
N° de page
pp.24-65
Type