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Jean Racine

Bulletin : Europe 1092
Il existe, de longue date, une légende noire à propos de Racine, souvent présenté par les commentateurs sous les traits d'un ambitieux à qui un talent hors du commun aurait ouvert la voie d'une ascension inespérée. Passant outre à la légende, cette livraison d'"Europe" offre l'intérêt de mettre en lumière l'aspect protéiforme du visage racinien, constamment tiraillé entre plusieurs identités qui coexistent : étudiant modèle et pamphlétiste redoutable, humaniste indéfectible et avocat en puissance, poète de salon et historiographe de terrain, dramaturge innovant et éditeur exigeant, fervent croyant et courtisan déférent... Les multiples facettes de Racine obligent à en restituer un visage complexe, parfois chaotique et mystérieux, échappant à toute étiquette définitive et contribuant ainsi à une richesse herméneutique inépuisable. Or, cette complexité et cette richesse ne sont pas uniquement le fruit d'un caractère et d'une personnalité particulière, elles dérivent, au moins en partie, d'une vie parsemée de rencontres, et surtout incarnée dans des lieux bien précis. Retrouver ces lieux, c'est retrouver en dans une certaine mesure, expliquer les différents traits qui composent le visage racinien. Le présent numéro se veut donc un essai de « topographie racinienne », focalisé en particulier sur quatre lieux que Racine ne cesse de fréquenter, de quitter et de retrouver. Le cabinet de lecture d'abord, qui est certes l'endroit, à Port-Royal des Champs, où l'étudiant apprend le grec, le métier d'avocat et, malgré lui, celui de dramaturge, mais qui est aussi le lieu où le poète se réfugie tout au long de sa carrière afin d'étudier minutieusement ses sources avant d'écrire, où il peut librement dialoguer avec les Anciens, le soir venu. Il y a ensuite l'atelier, lieu du passage à l'acte de l'écolier devenu auteur de théâtre, mais également des premières tentatives poétiques inabouties, des brouillons de pièces esquissées, ou encore l'endroit où il ferraille à distance avec ses adversaires et planifie ses contre-attaques dans de furibondes préfaces. La topographie racinienne réserve bien évidemment une place à part à la scène du théâtre, lieu qui résume le passage de la page écrite à la page jouée, qui est donc l'occasion d'une confrontation avec d'autres interlocuteurs : les comédiens et comédiennes, mais aussi les rivaux. Quatrième et dernier lieu racinien, la Cour, au sein de laquelle Racine est à la fois spectateur et metteur en scène, dramaturge et historien, janséniste caché et courtisan obséquieux. L'enjeu de ces approches nouvelles est de permettre de mieux connaître l'homme et de mieux comprendre l'oeuvre d'un immense poète qui fut aussi, selon la formule d'Edouard Dujardin, un « suprême romancier d'âmes ». Sommaire. Essai de topographie racinienne. LE CABINET DE LECTURE. Port-Royal lancinant. Entre philologie et poétique. L'ombre de Roscius. L'ATELIER. Racine devant les tragiques grecs. Simplicité de Racine. De la querelle des "Imaginaires" à la querelle des Anciens et des Modernes. LA SCENE. Racine et la troupe de Molière. Du côté de la comédie. Sorties finales chez Racine. L'art de défaillir. LA COUR. Racine et ses livres. Racine, Louis XIV et le revers des médailles. Mme de Maintenon et Racine : Stratégies de cour et expérience d'écriture. Racine à Saint-Cyr : Retour au théâtre sous le signe du religieux ou du profane ? RACINE APRES RACINE. Les feux de Pyrrhus. Un durable emportement. Fidélité au vers racinien, entretien avec Claude Degliame et Jean-Michel Rabeux.
N° de page
pp.3-192
Type