Aller au contenu principal

Les Ecoles d’ingénieurs réinventent la formation professionnelle

04 juillet 2025
Numéros de page :
pp.14-15
Les écoles de commerce et d’ingénieurs rencontrent des difficultés à s’imposer sur le marché de la formation continue, malgré l’existence de programmes comme les mastères spécialisés (MS), qui durent de 18 mois à 2 ans et coûtent entre 7 000 et 25 000 euros. Ces cursus, exigeants en temps et en argent, sont peu adaptés à la majorité des professionnels. Pour lever ces obstacles, des écoles comme Cesi proposent désormais de découper les MS en blocs de compétences, facturés entre 4 000 et 5 000 euros chacun, ce qui correspond au montant mobilisable via le Compte personnel de formation (CPF). Cette modularité permet aux professionnels expérimentés, souvent après 15 à 20 ans de carrière, de financer et suivre leur formation à leur rythme. Cesi a également élargi son offre avec des certificats, des formations courtes de 4 à 6 jours, divisibles en modules d’une journée, sur des thématiques technologiques, scientifiques ou managériales, telles que l’Usine du futur, la Ville intelligente, la Fabrication additive, la Réalité virtuelle et augmentée, la Technologie des batteries ou l’IA. Ces certificats visent à répondre aux besoins des entreprises souhaitant actualiser les compétences de leurs ingénieurs et techniciens, ainsi qu’aux particuliers en reconversion. Certaines écoles innovent en partenariat avec des entreprises. L’ENTPE et Transdev ont ainsi lancé un Graduate Program diplômant pour détecter et accompagner les talents internes. Dans la première promotion, 13 participants alternaient trois jours par semaine à l’école et deux jours en entreprise, d’octobre à juin, totalisant 400 heures de cours. À l’issue, ils obtiennent un diplôme de Management opérationnel des transports et la Capacité de transport, ouvrant de nombreuses opportunités professionnelles. De nouveaux établissements hybrides émergent, comme DataScientest, fondé en 2017, qui propose des formations en ligne guidées. Pour contrer le faible taux de complétion des cours en ligne longs, DataScientest organise les apprenants en classes avec un chef de cohorte et des modules appelés “sprints”. Environ 70 % des enseignements sont asynchrones, 30 % synchrones pour favoriser la cohésion et l’interaction avec des enseignants en CDI. Les formations s’adressent aux individus en reconversion, aux demandeurs d’emploi et aux salariés, avec des formats “bootcamp” intensifs de 35 heures par semaine ou des parcours adaptés aux contraintes professionnelles. Chaque participant réalise un projet mentoré, dont 60 % sont appliqués en entreprise après la formation. DataScientest propose des formations de cinq jours, un cursus de data scientist de 400 heures et un titre RNCP de niveau 7 (bac +5), tous en format hybride. Initialement centré sur la banque-assurance, l’organisme s’est diversifié vers l’industrie et d’autres secteurs, avec des métiers comme Data Scientist, Business Analyst, Machine Learning Engineer, Marketing digital & IA. Les apprenants en formation continue ne représentent que 2 % des effectifs des écoles d’ingénieurs selon la CDEFI. Pourtant, la réindustrialisation et la pénurie de compétences scientifiques rendent la formation continue cruciale. Entre 1995 et 2020, les formations technologiques ou professionnelles dans la production ont perdu près de 150 000 élèves, soit une baisse de 26 % (rapport IGESR 2021-187). À partir de 2025, le nombre d’étudiants devrait diminuer pour des raisons démographiques. Pour former davantage d’ingénieurs et de profils techniques, les écoles doivent cibler trois publics : les jeunes (notamment les femmes et élèves de milieux défavorisés), les internationaux et les professionnels. Trois grandes voies existent pour les professionnels expérimentés : le Cnam et Cesi, la filière Fontanet (permettant à des techniciens titulaires de BTS ou BUT et ayant au moins 3 ans d’expérience d’intégrer directement le cycle terminal d’ingénieur dans des écoles comme Groupe Insa, Esigelec, Ensam, Polytech Clermont), et les ITII (Instituts des techniques d’ingénieurs et de l’industrie), qui comptent une vingtaine de centres en France. La filière DPE (Diplôme de perfectionnement des études) s’adresse aux techniciens ou agents de maîtrise expérimentés, leur permettant d’obtenir le titre d’ingénieur via des formations en partenariat avec leur entreprise. Grenoble INP - UGA, qui regroupe sept écoles d’ingénieurs et un IAE, développe des formations innovantes pour répondre aux besoins des professionnels et des entreprises. Son programme historique, le diplôme d’ingénieur en management technologique (IMT), permet à des salariés de niveau bac +2/+3 de devenir ingénieurs via un cursus de 5 jours par mois pendant 3 ans. Pour ceux qui ne visent pas le titre d’ingénieur, Grenoble INP - UGA propose six certificats sur des formats de 2 jours par mois pendant 10 mois, couvrant des domaines comme les systèmes embarqués et IoT, la performance industrielle durable, l’écoconception, la gestion des ressources énergétiques, l’innovation collaborative et l’IA & Manufacturing. Ces certificats, très applicatifs, s’adressent à des techniciens, cadres, ingénieurs ou managers. L’établissement organise aussi une journée de sensibilisation “Expédition 2035” pour les dirigeants de PME et ETI, afin de les aider à anticiper les évolutions économiques, sociales et environnementales à 10 ans. La formation tout au long de la vie est présentée comme une mission essentielle de l’université, mais nécessite un changement de culture en France, où la formation continue reste peu ancrée. Face à la pénurie de compétences scientifiques, la reconversion professionnelle est une partie de la solution, et l’université se positionne comme un acteur clé pour accompagner la montée en compétences et les évolutions professionnelles.