Colruyt : Intermarché poursuit sa logique de croissance
Bulletin : LSA 26 juin 2025
26 juin 2025
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pp.14-17
Plus de 80% du parc français de Colruyt, soit 81 des 104 magasins, principalement situés dans le nord et l’est de la France, vont être repris par le Groupement Mousquetaires (Intermarché) pour un montant d’environ 215 millions d’euros en numéraire. L’opération inclut également 44 stations-service et 1 300 salariés sur les 2 200 que compte Colruyt France, mais n’englobe ni les trois entrepôts ni le siège. Des offres d’embauche sont prévues pour 175 salariés des entrepôts. La reprise sera assurée directement par 77 adhérents Intermarché, ce qui permet au Groupement de ne pas alourdir son endettement, contrairement au rachat de Casino qui lui avait coûté 2 milliards d’euros.
Dans l’est, Intermarché détient actuellement 12,8% de part de marché (contre 31,2% pour E. Leclerc et 20,1% pour Carrefour), et dans le nord, 16,2% (contre 27,8% pour Carrefour et 23,2% pour E. Leclerc). L’objectif affiché par Thierry Cotillard, président du Groupement Mousquetaires, est d’atteindre 20% de part de marché d’ici 2028, soit une progression de deux points, Colruyt devant apporter 0,25 à 0,35 point supplémentaire. Cette opération s’inscrit dans la stratégie de conquête de parts de marché, après l’acquisition de 300 magasins Casino entre 2023 et 2024 pour 1,35 milliard d’euros (soit 0,3 fois les ventes).
Colruyt France, qui réalise 715 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 515 millions dans l’alimentaire et 200 millions en activité de grossiste), a enregistré des pertes opérationnelles cumulées d’environ 70 millions d’euros sur les trois dernières années. Le groupe belge, leader sur son marché domestique avec 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 29% de part de marché, a vu son résultat d’exploitation baisser de 5% à 446 millions d’euros et son bénéfice net chuter de plus de 60% à 337 millions d’euros sur le dernier exercice clos au 31 mars 2025. Le résultat net des activités poursuivies s’établit à 334 millions d’euros, en baisse de 9%. Colruyt se recentre désormais sur la Belgique, où il a récemment acquis 40 magasins Delitraiteur et 54 magasins Match et Smatch.
L’acquisition des magasins Colruyt par Intermarché se distingue du rachat de Casino par son mode opératoire : les adhérents achètent à la fois les murs et les fonds de commerce (80 magasins sur 81 sont vendus avec l’immobilier), ce qui facilite la transaction et limite les risques liés à des loyers élevés. L’investissement moyen par adhérent est d’environ 3 millions d’euros. Les magasins Colruyt, situés en périphérie de petites et moyennes villes, sont en bon état, avec un rendement moyen de 7 300 euros par mètre carré, stations-service comprises. Les coûts de rénovation sont estimés à 500 euros par mètre carré pour Intermarché et 440 euros pour Netto, contre 1 100 euros pour les magasins Casino.
Intermarché devra intégrer 1 300 salariés supplémentaires et reconquérir une clientèle dans des zones où Colruyt souffrait d’un manque de trafic et de notoriété. Le Groupement prévoit de remplacer l’enseigne Colruyt par Netto et Contact, ciblant les territoires ruraux. L’opération devrait permettre à Intermarché de renforcer sa position dans des régions où il n’est que troisième acteur, et de peser davantage face aux fournisseurs en atteignant le seuil stratégique de 20% de part de marché.
E. Leclerc, malgré sa première place sur le marché français (près de 25% de part de marché), n’a pas participé à cette opération, en raison d’une organisation moins adaptée aux rachats massifs et d’un nombre d’adhérents trois fois inférieur à celui d’Intermarché, ce qui complique l’intégration d’un grand nombre de magasins. Sur les 23 magasins Colruyt non repris, 15 auraient reçu des marques d’intérêt sérieuses, et Colruyt reste engagé dans d’autres activités en France via ses affiliés Francap (Codifrance et Degrenne Distribution).
En résumé, l’acquisition des magasins Colruyt par Intermarché, pour un montant de 215 millions d’euros, s’inscrit dans une stratégie de croissance offensive, avec un objectif de 20% de part de marché d’ici 2028, tout en limitant les risques financiers et opérationnels grâce à l’implication directe des adhérents et à la bonne qualité du parc repris.