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Stockage d’électricité, planche de salut des renouvelables

20 juin 2025
Numéros de page :
pp.21-23
Le secteur des énergies renouvelables en France représente 113 milliards d’euros (chiffres 2022, Ademe). La Commission européenne vise plus de 42 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen d’ici la fin de la décennie. En France, la production d’électricité renouvelable (hydraulique, éolien, photovoltaïque, biomasse) atteint 150 TWh en 2024, soit 27,6 % de la production totale d’électricité. La consommation d’électricité en 2024 est de 449,2 TWh, pour une production de 539 TWh, générant une surproduction qui a conduit à vendre l’électricité à prix négatif pendant 359 heures en 2024. La production solaire s’élève à 24,8 TWh, dépassant pour la première fois la production d’électricité d’origine fossile (20 TWh). La production hydraulique atteint 74,7 TWh, soit 14 % du total. Le développement massif des renouvelables soulève des débats sur leur pertinence, principalement à cause de l’intermittence de la production solaire et éolienne, qui dépend des conditions naturelles et ne coïncide pas toujours avec la demande. Cette intermittence complique la gestion du réseau électrique et alimente les inquiétudes sur la sécurité d’approvisionnement, comme l’a illustré le black-out en péninsule ibérique fin avril 2024. Le stockage de l’électricité apparaît comme la solution clé pour réguler le réseau, éviter les prix négatifs, prévenir les black-outs et faciliter l’intégration des renouvelables. Le stockage permet de lisser la production, d’injecter l’électricité dans le réseau au moment opportun et de réduire le recours aux énergies fossiles, contribuant ainsi à la décarbonation du mix énergétique. Les systèmes de stockage sont essentiels pour maintenir la fréquence du réseau à 50 Hz et protéger le réseau des fluctuations de production. En France, le principal moyen historique de stockage est constitué par les 5,2 GW de STEP (Stations de transfert d’énergie par pompage), construites dans les années 1970. Ces installations, adaptées aux milieux montagneux, offrent un rendement d’environ 80 % et un temps de réponse très rapide, mais leur développement est limité par la géographie. Depuis la crise du Covid, le marché du stockage connaît un tournant, stimulé par la montée des renouvelables, le développement des véhicules électriques et la hausse des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine. Les investissements dans le stockage atteignent désormais des centaines de millions d’euros. Les projets de stockage sont de plus en plus importants : Tag Energy construit une plateforme de 140 conteneurs dans la Marne (240 MW), Q Energy développe un projet de 35 MW à Saint-Avold, Harmony Energy et Tesla déploient 100 MW près de Nantes, Iberdrola prévoit d’investir 1,5 milliard d’euros en France d’ici 2026, Entech construit une centrale photovoltaïque avec stockage en Casamance (Sénégal) et un projet de 50 MW en France, Akuo installe des batteries en Nouvelle-Calédonie. La technologie dominante est la batterie lithium-ion, devenue fiable, compétitive, avec de bons rendements et une meilleure cyclabilité, tout en étant moins chère. Les installations sont passées de quelques kWh il y a dix ans à plusieurs centaines de MWh, voire des GWh aujourd’hui. L’État a alloué 2,7 milliards d’euros à la R&D dans l’énergie en 2023, dont 45 % pour le nucléaire et 79 millions pour la recherche sur l’électricité et le stockage. Des alternatives aux batteries lithium-ion sont à l’étude, comme les batteries sodium-ion (projet d’usine Tiamat près d’Amiens), les batteries redox et le stockage par air comprimé, mais seules les batteries lithium-ion allient actuellement rendement, fiabilité et coût bas. Le stockage d’énergie devient aussi un service : les entreprises proposent des prévisions de production, des logiciels de régulation automatique et des systèmes de gestion de l’énergie (EMS) pour piloter les batteries selon les besoins du réseau. Les gestionnaires de réseau rémunèrent ces services pour la régulation. Les systèmes doivent garantir une durée de vie de 10 à 15 ans, exigeant une grande fiabilité et un savoir-faire technique. Le stockage est également crucial pour accompagner le déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques et pour les industriels souhaitant optimiser leur autoconsommation et lisser les pics de puissance. Le marché du stockage est en pleine expansion, poussé par des motivations écologiques (réduction de l’empreinte carbone, consommation locale et décarbonée) et économiques (baisse du prix de rachat du kWh à 4 centimes contre 12,69 centimes auparavant, rendant la revente moins rentable et incitant au stockage). Les offres de stockage couvrent les besoins résidentiels, petits tertiaires et tertiaires, avec des gammes modulaires et des solutions Plug&Play, pilotables via smartphone. Le stockage par hydrogène (“Power to Gas”) constitue une autre voie, utilisant l’électrolyse pour produire de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricité, puis le stocker. Cependant, cette technologie, bien que mature sur le plan des procédés, reste peu rentable commercialement, avec un rendement de 25 % en 2020 selon l’Ademe, et qui ne dépassera jamais 40 % selon les experts, loin des plus de 80 % des STEP ou des batteries lithium-ion. En 2023, l’État a investi 567 millions d’euros dans la R&D pour l’hydrogène et les piles à combustible. En résumé, le stockage d’électricité est devenu un enjeu stratégique pour accompagner la transition énergétique, stabiliser le réseau, valoriser la production renouvelable et répondre aux nouveaux usages, avec une forte dynamique d’investissement, d’innovation et de développement industriel, principalement autour des batteries lithium-ion, tout en explorant des alternatives pour l’avenir.