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Charmes et craintes des cryptomonnaies

20 juin 2025
Numéros de page :
pp.17-19
En mars 2025, les États-Unis prévoient la création d’une “réserve stratégique de bitcoins”, illustrant l’intérêt croissant des politiques pour les cryptomonnaies. Lors des élections européennes de juin 2024, plusieurs candidats ont intégré les cryptos à leur programme, prônant soit une régulation plus stricte, soit une ouverture à l’innovation. Yannick Jadot a proposé un label européen pour les cryptomonnaies respectueuses de l’environnement, tandis que Marine Le Pen s’est prononcée pour un contrôle renforcé des plateformes d’échange. La Banque centrale européenne accélère le développement de l’euro numérique, dont le lancement expérimental est prévu pour 2026, afin de garantir la souveraineté monétaire de l’euro. En France, 5,5 millions de personnes détiennent des cryptomonnaies selon l’AMF (avril 2024), un chiffre en légère baisse par rapport à 2023 (6 millions). Malgré cela, l’intérêt reste fort : une étude Adan/KPMG de février 2025 indique qu’un Français sur trois envisage d’en acquérir en 2025, soit une croissance de 12 % sur un an. L’adoption des cryptomonnaies est freinée par la volatilité, le manque d’éducation financière et la recrudescence des arnaques. En 2024, l’AMF a recensé 3 000 plaintes pour escroquerie, souvent liées à des pyramides de Ponzi et des offres de trading automatisé relayées par des influenceurs sur les réseaux sociaux. Pour protéger les investisseurs, la loi Pacte du 22 mai 2019 a instauré l’agrément PSAN, rendant obligatoire l’enregistrement auprès de l’AMF pour tous les acteurs proposant l’achat, la vente, l’échange ou la conservation d’actifs numériques. À ce jour, seule la plateforme Bykep a été radiée (27 septembre 2022). Depuis 2023, la déclaration fiscale des crypto-actifs est obligatoire pour les comptes ou plateformes étrangers via le formulaire 3916-3916-BIS, sous peine d’une amende de 750 euros par compte non déclaré. Les ventes de cryptomonnaies contre euros doivent être reportées dans la déclaration annexe n°2086, avec imposition à partir de 305 euros de cession. Les plus-values sont soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d’impôt forfaitaire), avec possibilité d’opter pour le barème progressif. L’usage des cryptomonnaies comme moyen de paiement progresse. En avril 2024, Toulouse est devenue la première ville d’Europe à accepter les paiements en cryptos pour les transports Tisséo. En novembre 2024, la chaîne Printemps a permis le paiement en bitcoins, ethereums et stablecoins, suivie en décembre 2024 par la compagnie aérienne Corsair. Depuis le 30 décembre 2024, les stablecoins basés sur l’euro sont reconnus comme monnaie électronique dans toute l’Union européenne, grâce au règlement MiCa. Les paiements peuvent se faire par wallet-to-wallet, carte bancaire associée à un compte crypto, ou QR code. Les commerçants reçoivent toujours un paiement en euros, les protégeant des fluctuations du marché crypto. Les paiements en cryptos peuvent générer des frais et des obligations fiscales. Le règlement européen MiCa, entré en vigueur le 30 décembre 2024, impose de nouvelles contraintes aux plateformes et émetteurs de cryptomonnaies : autorisation obligatoire pour réceptionner et transmettre des ordres, donner du conseil, gérer des portefeuilles, et obligation de réserves en fonds propres avec un ratio de 1/1. Les détenteurs de stablecoins peuvent se faire rembourser gratuitement à tout moment. L’AMF a publié en juin 2024 une liste noire des plateformes non conformes, complétant le registre public de l’Autorité bancaire européenne. Le profil type de l’investisseur en crypto reste majoritairement masculin (62 %), de moins de 35 ans (54 %), urbain, diplômé et issu d’une catégorie sociale supérieure (étude Adan/KPMG). Toutefois, une population de plus de 40-45 ans s’intéresse désormais aux cryptos, principalement pour la transmission patrimoniale et la diversification. Les cryptomonnaies sont perçues comme des compléments à l’immobilier, à l’assurance-vie ou aux actions, mais ne sont pas considérées comme un produit d’épargne classique. Les banques traditionnelles, à l’exception de BNP Paribas et Société Générale, restent prudentes, laissant le marché dominé par des plateformes comme Binance, Kraken ou Revolut. Le bitcoin reste la cryptomonnaie la plus populaire : 87 % des investisseurs français en détiennent (source CoinGecko). Certains investisseurs, dits “maximalistes”, ne misent que sur le bitcoin, mais la diversification vers d’autres cryptos comme l’ethereum, le solana ou le ripple progresse. Les stablecoins, adossés à des devises comme le dollar ou l’euro, sont jugés moins attractifs en termes de rendement. Au 30 juin 2024, 172 300 investisseurs possédaient plus d’un million de dollars en cryptomonnaies, dont 85 400 en bitcoins (source New World Wealth et Henley & Partners). En France, 10 % des personnes majeures possèdent des cryptomonnaies, qui sont désormais plus populaires que les actions chez les particuliers. Les institutionnels s’y intéressent également, et le Salvador a été le premier pays à en faire une monnaie officielle. Des acteurs financiers traditionnels, comme BlackRock, ont lancé des ETF en cryptomonnaies. La réglementation MiCa crée un cadre unique en Europe, favorisant la confiance et le développement du marché. Les profils d’utilisateurs se diversifient, avec une augmentation de la part des femmes. La majorité des Français est favorable aux cryptos, et la perception évolue : contrairement aux idées reçues, les criminels préfèrent le cash, car les transactions en cryptos sont indélébiles et publiques. La plateforme CrypCool, lancée en décembre 2023 par le groupe AuCOFFRE, cible une clientèle de 40 à 50 ans, intéressée par une gestion patrimoniale plutôt que spéculative. Elle propose d’investir dans le bitcoin, l’ether et le VeraOne (token adossé à l’or physique), permettant de stabiliser son portefeuille sans fiscalité lors des échanges entre cryptos. Les actifs sont stockés à froid en Suisse, et un service client réel accompagne les utilisateurs. CrypCool développe également des outils pédagogiques et des services innovants, comme la tokenisation de l’or et la garde des phrases de récupération pour la transmission ou la succession. En résumé, les cryptomonnaies s’installent durablement dans le paysage financier français et européen, avec une adoption croissante, une diversification des profils d’investisseurs, un encadrement réglementaire renforcé, mais aussi des défis persistants en matière de sécurité, de fiscalité et d’usage quotidien.