Vers une relation public-privé réinventée
Bulletin : Jeune Afrique juin 2025
01 juin 2025
Numéros de page :
pp.86-94
La 12e édition de l’Africa CEO Forum (ACF) s’est tenue les 12 et 13 mai à Abidjan, rassemblant plus de 2 800 participants, un record depuis la création de l’événement. Dans un contexte marqué par les guerres, les déclarations du président américain Donald Trump et la volatilité des cours des matières premières, les dirigeants africains, chefs d’État et responsables d’institutions internationales ont affiché leur volonté d’accélérer la croissance du continent pour assurer son développement et renforcer sa position internationale.
Makhtar Diop, directeur général de la Société financière internationale (IFC), a souligné que, dans les dix prochaines années, le monde devra créer 1,2 milliard d’emplois, mais que, selon la trajectoire actuelle, seuls 420 millions verront le jour, appelant l’Afrique à combler ce fossé. Il a insisté sur l’importance d’une intégration économique accrue et du renforcement du commerce intra-africain. Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire, a mis en avant la nécessité de transformer les matières premières localement et de faire de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) un levier de croissance inclusif. Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, a identifié trois domaines d’investissement prioritaires : les talents, les infrastructures et les nouvelles technologies.
Le forum a été rythmé par 80 tables rondes et des panels de haut niveau, dont un panel présidentiel réunissant Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Paul Kagame (Rwanda), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie) et Tiémoko Meyliet Koné (Côte d’Ivoire). Les opérateurs privés ont plaidé pour des politiques publiques modernisées et une gouvernance renforcée, tandis que des accords totalisant 200 millions de dollars ont été signés en marge de l’ACF, notamment pour augmenter la production de riz en Côte d’Ivoire, soutenir les PME au Nigeria et renforcer les infrastructures en Afrique de l’Ouest. Ces accords impliquent des gouvernements, des banques comme Access Bank, des groupes privés tels que Duval et Schneider Electric, ainsi que des financeurs comme IFC, Proparco, DEG et AfricaSO.
La souveraineté technologique a été un thème central, avec Paul Kagame insistant sur la nécessité de ne pas dépendre des autres, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal, a présenté un plan de digitalisation de 1,7 milliard de dollars, insistant sur la maîtrise des infrastructures, le contrôle du cadre réglementaire et le développement des compétences. Selon une étude de McKinsey présentée lors du forum, les gains attendus du numérique, notamment de l’intelligence artificielle, sont estimés à 100 milliards de dollars.
Malgré la croissance supérieure à 6 % enregistrée cette année dans plus de 15 pays africains, les dirigeants restent conscients des défis : repli des financements étrangers, faiblesse des places boursières locales, manque d’infrastructures, endettement croissant des États, difficultés d’accès au crédit, manque de ressources humaines et bureaucratie. Ali Hjaiej, vice-président de Karpowership, a rappelé la priorité d’assurer un accès minimum et universel à l’électricité avant d’aborder l’intégration des énergies renouvelables dans l’industrie.
La coopération régionale demeure un défi, entravée par les tensions politiques, les conflits et les rivalités. La poignée de main entre Paul Kagame et Cyril Ramaphosa, marquant une réconciliation après des tensions liées à la guerre dans l’est de la RD Congo, a été un moment fort du forum. Le décollage trop lent de la Zlecaf a été unanimement déploré, appelant à un sursaut pour renforcer l’intégration africaine.
Le palmarès des ACF Awards 2025 a distingué six acteurs majeurs :
CEO of the Year : Idrissa Nassa (Coris Bank International), pour son expansion régionale et la diversification du groupe.
PanAfrican Champion : Africa Re, pour son rôle dans l’intégration économique et son implantation dans plusieurs villes africaines.
Family Business of the Year : Rawbank, pour son modèle familial, son innovation et son engagement de plus de vingt ans en RD Congo.
Local Impact Champion : Danone, pour ses initiatives en faveur du développement local, de la nutrition et de la création d’emplois.
Gender Leader : Schneider Electric, pour ses actions concrètes en faveur de la promotion des femmes et la réduction des inégalités de genre.
Disrupter of the Year : NALA, start-up tanzanienne fondée par Benjamin Fernandes, pour son innovation dans les paiements transfrontaliers et l’inclusion financière.
De nombreuses personnalités du monde économique et politique africain et international étaient présentes, parmi lesquelles Makhtar Diop (IFC), Amir Ben Yahmed (président de l’ACF), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Paul Kagame (Rwanda), Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Tiémoko Meyliet Koné (Côte d’Ivoire), Mahamadou Issoufou (ex-président du Niger), Christel Heydemann (Orange), Benedict Oramah (Afreximbank), Aigboje Aig-Imoukhuede (Access Bank Holdings), Danielle Ben Yahmed (JAMG), Dominique Ouattara (première dame de Côte d’Ivoire), Aida Diarra (Visa), Abdou Souleye Diop (Forvis Mazars), B. Christian Stammkoetter (Danone), Chukwuerika Achum (Falcon Aerospace Limited), Aboubaker Omar Hadi (Djibouti Ports & Free Zones Authority), Joseph Dion Ngute (Premier ministre du Cameroun), Ethiopis Tafara (IFC), Adesuwola Ladoja (Lagos Free Zone), Edha Nahdi (Amsons Group), Gérard Kouassi (Porteo BTP Côte d’Ivoire), Jonathan Berman (Shell Foundation), Gagan Gupta (Arise IIP), Oduwole Jumoke (ministre du Nigeria), Catherine Muraga (Microsoft Africa Development Center), Bah Oury (Premier ministre de la Guinée), Henry Oroh (Zenith Bank), Shah Nimit (Vivo Energy), Soren Toft (MSC), Neville Matjie (Brand South Africa), Karim Zidane (ministre du Maroc), Adeline Gabillaud (CMA CGM), Kaushik Burman (Spire), Salomon Zewdu (The END Fund), Philippe Labenne (Africa Global Logistics), Jean Kacou Diagou (NSIA), Nompilo Marafo (MTN), Mustafa Rawji (Rawbank), Serge Ekué (BOAD), Lawrence Dechambenoit (Rio Tinto), Sionlé Yeo (AFG Holding), Sama’ila Zubairu (Africa Finance Corporation), Karim Noujaim (Skykapital), Hien Yacouba Sie (Port autonome d’Abidjan), Robert Beugré Mambé (Premier ministre de Côte d’Ivoire), Kassim Majaliwa (Premier ministre de Tanzanie), Françoise Lombard (Proparco), Paul-Harry Aithnard (Ecobank Côte d’Ivoire), Partheeban Theodore (OlamAgri), Marwane Ben Yahmed (Jeune Afrique), Thierry Hebraud (Mauritius Commercial Bank), Walid Sheta (Schneider Electric), Mohamed Hettiti (OCP Africa), Mathieu Friedberg (Ceva Logistics), Marie-Ange Saraka-Yao (Gavi), Joe Sang (Kenya Pipeline Company), Takehiro Matsuo (ministre du Japon).
L’édition 2025 de l’ACF a ainsi mis en lumière la résilience, les ambitions et les défis du continent africain, tout en soulignant la nécessité d’une coopération renforcée, d’investissements ciblés et d’une intégration économique accélérée pour répondre aux enjeux de croissance, d’emploi et de souveraineté.