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Gouvernance, influence, innovation. Les 20 pays les plus performants

01 juin 2025
Numéros de page :
pp.53-76
Afrique du Sud en tête du classement des 20 pays africains les plus performants, avec une avance significative sur l’Égypte et le Maroc, grâce à sa domination dans l’innovation et l’influence, bien qu’elle soit moins performante en gouvernance à cause de la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques comme Eskom et d’une économie stagnante depuis dix ans. Pretoria compte 136 ambassades, son système éducatif est reconnu internationalement, et elle préside le G20 en 2025. L’Égypte, troisième pays le plus peuplé et troisième économie du continent, a évité le défaut de paiement en 2024 grâce à un investissement record de 35 milliards de dollars des Émirats arabes unis, principalement pour le projet de Ras al-Hikma. Le secteur du BTP et le canal de Suez sont moteurs de croissance et d’influence, mais l’Égypte n’est que 27e en gouvernance. Le Maroc, hub commercial et financier avec Tanger Med, bénéficie d’infrastructures de classe mondiale (TGV, aéroports, tramways), d’une diplomatie économique ambitieuse et de champions nationaux implantés à l’international. Sa stabilité monarchique lui permet de planifier des réformes à long terme. Le classement, basé sur 25 indicateurs répartis en trois dimensions (gouvernance, influence, innovation), accorde 50% du poids à la gouvernance, mesurée notamment par l’évolution du PIB par habitant (2021-2023), les flux d’IDE, l’indice Rule of Law, et l’indice de perception de la corruption. L’influence est évaluée par le nombre d’ambassades, de Casques bleus, d’artistes dans le top 20 Spotify Afrique, d’organisations d’événements sportifs, et de touristes accueillis. L’innovation prend en compte la qualité de l’éducation (SDG 4), le nombre de brevets et les levées de fonds des start-up. Après le trio de tête, le Botswana et le Kenya occupent les 4e et 5e places, suivis de Maurice, l’Éthiopie, la Tanzanie, le Nigeria, puis la Côte d’Ivoire (10e), la Tunisie (12e) et le Sénégal (13e). Les pays insulaires comme Maurice (6e) et les Seychelles (17e) se distinguent par leur nombre de touristes par habitant et leur PIB par habitant élevé, mais aussi par leur rayonnement international malgré leur petite taille. Maurice compte 103 ambassades à l’étranger, plus que le Nigeria (97), et s’est imposée comme hub financier, bien qu’elle ait figuré sur la liste des paradis fiscaux. La Namibie (15e) et le Cap-Vert (16e) sont cités comme exemples de bonne gouvernance et de démocratie, la Namibie rendant l’enseignement supérieur gratuit dès 2026 et lançant un programme de désendettement facilité par la découverte d’hydrocarbures. Maurice et le Botswana bénéficient d’une notation « investissement » depuis plusieurs années grâce à leur stabilité institutionnelle et leur bonne gouvernance. Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Maroc et le Rwanda ont aussi amélioré leur cadre macroéconomique et connu une croissance soutenue, appuyée par des institutions robustes. Le Rwanda Development Board (RDB) est cité comme modèle de gouvernance économique, tout comme la Caisse autonome de gestion de la dette au Bénin, qui permet au pays d’obtenir de meilleurs taux que la Côte d’Ivoire malgré des fondamentaux moins solides. Certains pays comme le Kenya (4e) ou le Ghana (7e), malgré des défauts ou un surendettement, se hissent dans le classement grâce à leur innovation, notamment dans le paiement mobile (Safaricom) et l’attractivité pour les géants du numérique. Les entreprises publiques jouent un rôle moteur, à l’image d’Ethiopian Airlines, qui a fait d’Addis-Abeba le principal hub aérien du continent, ou d’OCP au Maroc, qui détient 70% des réserves mondiales de phosphate et a généré 9 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024, employant plus de 17 000 personnes et présent dans plus de 50 pays. Ethiopian Airlines, avec plus de 150 avions et 140 destinations, a transporté plus de 17 millions de passagers en 2023-2024, générant 7 milliards de dollars de chiffre d’affaires et employant plus de 18 000 personnes. OCP contribue à hauteur de 3,2% au PIB du Maroc, représente 1,6% de l’emploi industriel et 11% des investissements nationaux. Ces entreprises publiques, gérées comme des opérateurs privés, sont reconnues pour leur performance et leur capacité à rayonner à l’international, contrairement à d’autres géants publics africains, souvent pénalisés par une mauvaise image ou des difficultés structurelles. En matière de protection sociale, l’IPS-CGRAE en Côte d’Ivoire a réformé son système de retraite, atteignant l’équilibre financier dès 2013 (au lieu de 2019), un taux de recouvrement des cotisations supérieur à 98%, une réduction des délais de traitement des dossiers de plus de 365 jours à 8 jours, 99% des réclamations traitées sous un mois, un paiement mensuel régulier des pensions, 95% de taux de bancarisation, 84% de taux de redistribution (contre une norme de 65%), l’ouverture de 13 agences régionales, et un taux de satisfaction de 87% sur cinq ans. En 2024, l’IPS-CGRAE gérait la protection sociale de plus de 336 000 fonctionnaires et agents de l’État, avec 98 305 allocataires dont 64 782 retraités, et a reçu le Certificat d’Excellence de l’AISS en mars 2025. Sur le plan sanitaire, cinq États du bassin du lac Tchad (République centrafricaine, Tchad, Cameroun, Niger, Nigeria) ont vacciné plus de 83 millions d’enfants contre la polio en deux campagnes synchronisées, réduisant le nombre de cas à 19 au Nigeria et 18 au Tchad en 2024, mais la vigilance reste de mise tant que le virus circule. La puissance militaire est utilisée comme levier d’influence par l’Égypte (450 000 soldats, première armée d’Afrique), le Maroc (200 000 hommes, 1 700 soldats déployés en opérations de paix), le Nigeria (223 000 membres actifs, 8 milliards de dollars dépensés pour le maintien de la paix au Liberia, plus de 200 000 soldats déployés dans 41 opérations de paix en 60 ans), et le Rwanda (5 900 soldats et policiers déployés, premier contributeur africain de Casques bleus, 4 000 soldats au Mozambique, 1 700 formés en Centrafrique). Le Maroc investit 133 milliards de dirhams (13 milliards d’euros) dans la défense en 2025 et développe une industrie de défense locale. Le Rwanda s’impose comme alternative aux interventions internationales dans les zones de conflit. Des petits pays comme le Togo, la Mauritanie et Djibouti, malgré leur taille ou leur population réduite, ont acquis une influence diplomatique notable, avec des taux de croissance supérieurs à 4,5% ces dernières années. Djibouti accueille de nombreuses bases militaires étrangères et a vu son ministre des Affaires étrangères élu à la tête de la Commission de l’Union africaine en 2025. La Mauritanie a assuré la présidence tournante de l’UA en 2024 et a siégé au G20. Le Togo joue un rôle de médiateur dans les crises régionales. La CEDEAO, qui fête ses 50 ans, met en avant ses réalisations en matière de libre circulation, de zone de libre-échange, de projets d’infrastructure comme le corridor Lagos-Abidjan, mais reste confrontée à des défis d’accès à l’énergie et de gouvernance. Sa Vision 2050 s’articule autour de la paix, la bonne gouvernance, l’intégration régionale et le développement humain, avec l’introduction prévue d’une monnaie unique, l’ECO. Sur le plan technologique, Karim Beguir, cofondateur d’InstaDeep, propose dans son livre « Le Saut décisif » une stratégie de développement pour l’Afrique basée sur l’investissement simultané dans l’intelligence artificielle (IA), les énergies renouvelables (ENR) et les cryptomonnaies. Il souligne que l’IA a atteint un QI de 140-150 en 2024, que le solaire est désormais plus compétitif que les énergies fossiles, et que le minage de bitcoin avec des surplus d’énergie renouvelable peut constituer une réserve stratégique, citant l’exemple du Bhoutan dont la réserve de bitcoins représente 30% du PIB. Il encourage les pays africains à adopter rapidement ces technologies pour profiter d’un changement de standard monétaire et monétiser leurs capacités énergétiques et de calcul, estimant que les petits pays comme le Rwanda, la Tunisie ou le Togo sont les mieux placés pour saisir ces opportunités. Enfin, la Fondation OCP place la gestion de l’eau au cœur de sa stratégie agricole, avec des projets de fermes communautaires, de reboisement de mangroves (114 hectares à Joal Fadiouth, 100 hectares en Guinée), de formation de 20 cadres et 200 agriculteurs au Cap-Vert, et 14 projets de R&D sur la gestion de l’eau. Elle vise à bâtir une agriculture résiliente et durable, en misant sur l’innovation, la formation et la collaboration avec les communautés locales et les institutions de recherche.