En attendant les municipales. A quand la vraie réorganisation de la fiscalité locale
Bulletin : Le| Nouvel économiste 13 juin 2025
13 juin 2025
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Les élections municipales de mars 2026 mobilisent déjà les partis politiques, qui cherchent des alliances électorales, mais aucune dynamique commune n’émerge pour proposer des solutions concrètes à la crise des finances locales. Les municipalités sont critiquées par Bercy pour le dérapage de leurs comptes, alors que le ministère de l’Économie prépare des mesures pour 2026 afin de limiter la dérive budgétaire. Le débat public reste focalisé sur l’objectif des 3 % de déficit public, tandis que la Cour des comptes, dans un rapport de février 2025, attribue la détérioration des finances publiques de 2024 principalement aux collectivités locales et à la protection sociale.
Selon l’Insee, les communes sont devenues déficitaires de 2,6 milliards d’euros en 2024, après un léger excédent de 0,6 milliard en 2023. Les départements affichent un solde négatif de 5,5 milliards, et les régions un déficit de 3 milliards. Les collectivités reçoivent chaque année environ 150 milliards d’euros de transferts de l’État, alors que la dette de l’État dépasse également 150 milliards. Les collectivités représentent 20 % de la dépense publique.
Lors du premier quinquennat Macron, un encadrement strict des dépenses de fonctionnement des 321 plus grandes collectivités à 1,2 % de progression avait été instauré, mais cette mesure a été abandonnée lors de la crise du Covid-19. Selon Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation Ifrap, le maintien de ces freins aurait permis d’économiser 7 milliards d’euros en 2023. La difficulté réside dans la capacité politique à imposer de telles mesures.
La libre administration des collectivités, garantie constitutionnellement, oblige l’État à composer avec les élus locaux. Une contractualisation avec des engagements réciproques est envisagée, notamment un cycle de garantie de recettes sur trois ans pour donner de la visibilité aux maires. En contrepartie, il serait attendu des collectivités une maîtrise de la masse salariale, qui a augmenté depuis dix ans. La Cour des comptes estime qu’une réduction de 100 000 emplois permettrait d’économiser 4,1 milliards d’euros d’ici 2030, ramenant les effectifs à 2 millions, niveau de 2010. L’application effective des 35 heures dans les mairies est également évoquée comme élément d’échange avec l’État.
L’association Intercommunalités de France préconise des mesures structurelles plutôt que des coupes budgétaires ponctuelles, mais les relais politiques pour une telle conciliation sont absents. Le gouvernement envisage d’intégrer la question du millefeuille territorial dans un programme global annoncé en juillet. La perspective d’un gel des fonds de concours de l’État aux collectivités inquiète, car cela réduirait l’autofinancement et forcerait les élus à s’endetter davantage.
Une réforme fiscale d’ampleur est jugée nécessaire, car les impôts locaux ne représentent qu’environ 55 % des ressources des collectivités. La suppression de la taxe d’habitation, pour un montant d’environ 20 milliards d’euros, a diminué la responsabilisation des électeurs. Éric Woerth propose d’attribuer à chaque niveau de collectivité des ressources cohérentes avec ses missions, mais ce projet semble difficile à réaliser à court terme. Le coût de la superposition de l’administration locale et de l’État déconcentré reste un problème récurrent, et les perspectives pour une décentralisation plus cohérente et moins coûteuse après 2027 sont faibles.
Selon un sondage Cevipof-AMF, 45 % des maires estiment que l’État leur manque de considération, tandis que 62 % se sentent reconnus par leurs administrés. Ce décalage entre le national et le local illustre la crise de la démocratie territoriale. Les maires, souvent confrontés à des injonctions contradictoires et à des lois incohérentes, subissent une forte pression. L’exemple de Camille Pouponneau, maire démissionnaire de Pibrac (9 000 habitants), met en lumière ces difficultés, notamment l’écart entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, ainsi que les obstacles administratifs. Elle suggère de redonner aux maires un réel pouvoir d’action, éventuellement en recourant à l’intelligence artificielle, et de sensibiliser la population au fonctionnement des budgets publics pour encourager le consentement à l’impôt. François Bayrou partage cette vision.
En résumé, la situation des finances locales est marquée par des déficits croissants, une absence de réformes structurelles, des tensions entre l’État et les collectivités, et un malaise persistant chez les maires, qui restent pourtant un pilier de la démocratie locale. Les perspectives de réorganisation fiscale et de décentralisation cohérente restent incertaines à l’horizon 2027.