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Le |Partage salaires-profits se maintient contre vents et marées

06 juin 2025
Numéros de page :
p.4
Depuis trois décennies, la répartition de la valeur ajoutée des entreprises françaises reste stable, avec environ deux tiers alloués au travail et un tiers au capital. Cette stabilité est considérée comme optimale pour une croissance équilibrée, selon les économistes Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur. Entre 1990 et 2023, la France a maintenu ce partage, malgré des variations liées à la conjoncture économique et fiscale. Trois phases distinctes sont identifiées sur cette période. De 1990 à 2007, la part du travail diminue, principalement en raison d’une hausse de 130 % des impôts de production (notamment les taxes foncières), alors que la valeur ajoutée n’augmente que de 90 %. Les entreprises compensent cette pression fiscale par une modération des salaires et des emplois, utilisant les gains de productivité pour renforcer les marges plutôt que pour augmenter les rémunérations. Cette période justifie économiquement la suppression progressive des prélèvements déconnectés du chiffre d’affaires. La deuxième phase, de 2008 à 2016, voit le balancier s’inverser à la suite de la crise financière de 2008. L’excédent brut d’exploitation des entreprises est davantage affecté que la masse salariale, les marges supportant la rigidité des salaires et la hausse des contributions sociales. Les actionnaires subissent également les conséquences de la crise. La troisième phase, de 2017 à 2024, correspond à la gestion Macron. Selon Trésor-Eco, la part du travail recule de 0,8 point mais reste supérieure à son niveau de 2007, tandis que la part du capital rebondit de 1,9 point sans retrouver le niveau de 2007. L’ajustement des marges s’explique par le retard de réaction au choc inflationniste lié au Covid et à la crise énergétique, et non par une politique pro-business défavorable aux salaires. Les accusations de “cadeaux aux riches” sont donc infondées. Dans la plupart des économies avancées, la part des profits dans le revenu a augmenté régulièrement au cours des vingt dernières années, atteignant en moyenne 39 %, ce qui alimente les critiques contre la financiarisation. En France, la répartition reste plus équilibrée, bien que les sociétés du CAC 40 affichent des parts de profit pouvant atteindre 44 %, au-dessus du niveau jugé idéal. Cette situation suscite des appels à une taxation accrue des “gros” profits, mais la véritable priorité devrait être l’amélioration des gains de productivité. La rémunération des actionnaires, sous forme de dividendes et de rachats d’actions, oscille de façon constante autour de 4 à 5 % du PIB, un niveau inférieur à celui observé aux États-Unis, où la part des revenus allouée aux entreprises est plus élevée. Les critiques sur la fiscalité des dividendes, plafonnée à 30 % depuis la réforme Macron, doivent être nuancées : en ajoutant le taux standard d’impôt sur les sociétés de 25 %, la fiscalité totale dépasse 50 %, frôlant la zone confiscatoire. La stabilité du partage salaires-profits en France contraste avec la tendance internationale à l’augmentation de la part des profits. Les débats politiques sur les “cadeaux aux riches” et la fiscalité des dividendes ne tiennent pas compte de la réalité des chiffres : 66 % de la valeur ajoutée des entreprises rémunèrent le travail, contre 4 à 5 % du PIB pour les dividendes. Une remise en cause excessive de la rémunération du capital risquerait de nuire à l’attractivité des investissements nécessaires, notamment pour la transition écologique. Enfin, l’ouverture d’une fenêtre de capitalisation pour le financement des retraites, via l’épargne populaire investie en actions et le développement de l’actionnariat salarié, est présentée comme une réponse pragmatique aux blocages idéologiques persistants.