Caisses automatiques. Ce que l'autorisation de la Cnil sur l'IA va changer
Bulletin : LSA 29 mai 2025
29 mai 2025
Numéros de page :
pp.18-19
Après l’avis favorable rendu le 6 mai par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), les enseignes françaises peuvent désormais installer des caméras augmentées à l’intelligence artificielle (IA) aux caisses automatiques, dans un cadre réglementaire strict. Cette décision vise à lutter contre le vol en magasin, un phénomène en hausse : en 2022, 42 000 délits ont été recensés par les forces de l’ordre, soit une augmentation de 14 %. Les pertes annuelles pour les commerçants sont estimées à 5 milliards d’euros.
L’essor des caisses automatiques depuis une vingtaine d’années a intensifié la problématique de la démarque inconnue, c’est-à-dire les pertes inexpliquées, qui nécessitent souvent l’intervention du personnel. Selon Mehdi Afraite-Seugnet, CEO de Mo-ka, sans supervision, la démarque inconnue peut passer de 1,8 % à 2,6 % du chiffre d’affaires. En 2014, ce taux était inférieur à 1 %, mais il se situe aujourd’hui entre 1,4 % et 1,5 %. Un taux de 2 % menace la viabilité des points de vente.
La Cnil impose plusieurs obligations aux distributeurs avant la généralisation de ces dispositifs : informer clairement les clients par affichage en magasin et sur l’écran de la caisse, restreindre la captation d’images aux seules caisses automatiques, limiter la durée de captation au temps de la transaction, interdire la prise de son, l’analyse des comportements non pertinents, des émotions, des caractéristiques physiques et la reconnaissance faciale, ne conserver aucune donnée pour créer une liste de personnes signalées, et offrir la possibilité au client de refuser la caisse sous IA en optant pour une caisse traditionnelle.
Les distributeurs et fédérations professionnelles, comme la Fédération du Commerce coopératif et associé (FCA) et Perifem, saluent ces recommandations, après plusieurs années de concertation avec la Cnil. Les fournisseurs de solutions, tels que Mo-ka, ont collaboré avec l’organisme public pour anticiper les exigences réglementaires et réaliser des analyses d’impact sur la protection des données.
Plusieurs expérimentations sont en cours : depuis mars 2024, le supermarché Intermarché de La Farlède (Var) teste la solution Vynamic Smart Vision de Diebold Nixdorf. D’autres enseignes, comme Sephora, Coopérative U et Monoprix, mènent également des tests. Chez Monoprix, seuls 23 magasins sur 625 (moins de 4 %) sont concernés par l’expérimentation lancée en mars 2023. Mo-ka a déjà installé 500 dispositifs et prévoit d’atteindre 1 000 installations d’ici la fin de l’année.
Les caméras augmentées permettent de détecter deux types de fraudes courantes : le faux scan (le client fait mine de scanner un produit sans le faire biper) et l’utilisation d’un code-barres ne correspondant pas au produit. Ces dispositifs garantissent l’anonymisation totale des données et n’utilisent pas de données biométriques.
L’extension de ces caméras à l’ensemble du magasin reste limitée par la méfiance des clients et le cadre juridique. Le 21 juin, le Conseil d’État a rejeté la requête de la société Veesion, qui contestait une décision de la Cnil jugeant son logiciel de surveillance non conforme au Règlement général sur la protection des données (RGPD). La FCA estime toutefois qu’une utilisation raisonnée et circonstanciée de ces solutions permet de respecter la réglementation.
Les enseignes françaises souhaitent rattraper leur retard par rapport à des acteurs comme Walmart, dont tous les magasins sont déjà équipés de caisses automatiques augmentées à l’IA.