Operating partners à la française
Bulletin : Le| Nouvel économiste 30 mai 2025
30 mai 2025
Numéros de page :
pp.16-19
Operating partner (OP) est un métier importé des milieux d’affaires anglo-saxons, sans traduction exacte en français. Le profil type de l’OP en France a entre 47 et 60 ans, a été dirigeant ou entrepreneur, a revendu ses entreprises et souhaite désormais accompagner d’autres dirigeants grâce à son expérience. Le métier s’inscrit dans l’univers des fonds d’investissement, où l’OP fait le lien entre le capital-investissement et la gestion opérationnelle des entreprises détenues par les fonds de private equity. Sa mission principale est d’accompagner le développement des entreprises en portefeuille, en définissant leur feuille de route et leur stratégie.
En France, la financiarisation de l’économie est moins développée qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni, où les OP sont souvent des salariés des fonds d’investissement. En France, on compte un peu moins de 200 OP, qui exercent parfois en indépendants et interviennent lors de restructurations, cessions, transmissions, ou sur des problématiques de recrutement, RSE ou IT. Le métier ne s’est développé que depuis une dizaine d’années, et la culture entrepreneuriale française, marquée par la valorisation de l’autonomie, freine encore le recours à l’accompagnement externe, souvent perçu comme un aveu de faiblesse.
La période post-covid a laissé place à une conjoncture difficile en 2025, marquée par des problèmes de trésorerie, des licenciements massifs et des interventions de plus en plus fréquentes des OP en amont des faillites. Les dirigeants français voient parfois l’OP comme un “sauveur ultime”, alors que le rôle de l’OP est d’abord d’accompagner, d’orienter et de conseiller, sans se substituer au chef d’entreprise. Les OP insistent sur la nécessité de privilégier la rentabilité et l’adaptation de la structure avant de chercher à lever des fonds.
En 2024, la consolidation du métier s’est traduite par une recherche d’efficacité opérationnelle et de gestion de la trésorerie. En 2025, les incertitudes géopolitiques, le risque de cyberattaques (notamment de hackers russes) et les mutations liées à l’intelligence artificielle sont des préoccupations majeures pour les entreprises, qui reconnaissent de plus en plus le besoin d’expertise opérationnelle. L’OP se distingue du consultant par sa capacité d’action, de décision et d’influence sur le management, ainsi que par son engagement sur des résultats tangibles, avec une part de rémunération variable et non plafonnée, liée à l’atteinte d’objectifs.
Le métier évolue vers une professionnalisation accrue, avec une spécialisation croissante et l’apparition de formations dédiées, comme l’Operating Partners Academy, créée il y a un an par une dizaine d’entrepreneurs. En 2018, moins de 10 % des principaux fonds français de capital-investissement avaient intégré un OP dans leurs équipes. En 2023, 46 % des fonds de private equity et 24 % des fonds de venture capital disposaient d’une “operating team”. En cinq ans, 20 % des fonds ont intégré cette compétence à leurs équipes.
Les OP apportent une valeur ajoutée reconnue par les dirigeants d’entreprises en portefeuille : plus de 50 % soulignent leur capacité à introduire un rythme et une dynamique de travail, à transmettre des compétences utiles et à mobiliser leurs réseaux. Un tiers des dirigeants citent la contribution des OP au pilotage des croissances externes, à la digitalisation et à la mise en place de tableaux de bord. Plus de 50 % attendent un accompagnement dans la structuration de l’organisation et le recrutement des talents, notamment grâce à la capacité des OP à identifier les profils adaptés à la culture de l’entreprise.
Le métier d’OP se structure autour de compétences techniques (“hard skills”) et comportementales (“soft skills”), l’OP devant trouver le juste équilibre entre accompagnement et prise de décision, sans jamais se substituer au dirigeant. La raison d’être des OP dépasse la seule dimension financière et s’inscrit dans une dynamique industrielle et durable, en lien avec l’économie française.
L’exemple de Senstronic illustre l’apport d’un actionnaire professionnel et d’un OP dans la conduite d’une politique active d’acquisitions et d’intégration de sociétés, le passage de 200 à 450 salariés et la constitution d’un groupe de quatre sociétés grâce à trois opérations de croissance externe. L’OP apporte un soutien stratégique, facilite la préparation des transactions, l’intégration des entités reprises, le développement de la RSE et la mutualisation des expertises au sein du réseau de l’actionnaire.
En résumé, le métier d’operating partner en France est en pleine structuration, avec moins de 200 professionnels, une reconnaissance croissante dans les fonds d’investissement (20 % des fonds en cinq ans), une professionnalisation par la formation et la spécialisation, et un impact significatif sur la création de valeur, la transformation digitale, la gestion des talents et la performance opérationnelle des entreprises accompagnées.