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La |Grande désillusion de l’IA

30 mai 2025
Numéros de page :
p.2
La part des entreprises abandonnant la plupart de leurs projets pilotes d’IA générative est passée de 17 % l’an dernier à 42 % aujourd’hui, selon S&P Global. Malgré l’enthousiasme initial, de nombreuses entreprises rencontrent des difficultés à exploiter l’intelligence artificielle générative, notamment à cause de données cloisonnées, de systèmes informatiques obsolètes, du manque de talents techniques et de la nécessité de protéger leur image de marque contre les erreurs ou les fuites de données. Le patron de Klarna a reconnu avoir été trop loin dans l’automatisation du service client et réembauche désormais des humains. En revanche, l’adoption par les consommateurs reste forte : Sam Altman, PDG d’OpenAI, indique que ChatGPT est utilisé par environ 800 millions de personnes par semaine, soit deux fois plus qu’en février. Cependant, le véritable impact transformateur de l’IA générative dépendra de son intégration systématique par les entreprises dans leurs produits et activités. Beaucoup de dirigeants traversent actuellement le “creux des désillusions” du cycle du hype, marqué par la frustration face à la lenteur des progrès. Les géants de la tech — Alphabet, Amazon, Microsoft et Meta — continuent d’investir massivement dans l’IA. Leurs dépenses d’investissement combinées devraient représenter 28 % de leur chiffre d’affaires cette année, contre 12 % il y a dix ans, selon Pierre Ferragu de New Street Research. Ces investissements servent à construire les infrastructures nécessaires à l’IA, mais la rentabilité de ces dépenses reste incertaine. Lors des récentes conférences de développeurs, Satya Nadella (Microsoft) et Sundar Pichai (Google/Alphabet) ont mis en avant l’amélioration des modèles d’IA, leur rapidité, leur coût décroissant et leur disponibilité croissante. Elon Musk a annoncé que les modèles Grok de xAI seraient disponibles sur Azure, le cloud de Microsoft. Les dirigeants ont introduit une nouvelle mesure de l’essor de l’IA : le nombre de tokens traités par les modèles. Les revenus générés par l’IA pour Alphabet, Amazon et Microsoft restent faibles par rapport à leurs investissements, provenant surtout de laboratoires d’IA et de start-up, souvent financés par ces mêmes géants. L’essentiel des bénéfices attendus viendra de l’application de l’IA à leurs propres produits et opérations. Google a lancé un “mode IA” pour son moteur de recherche, alimenté par Gemini, dont les résumés générés par l’IA sont utilisés par plus de 1,5 milliard de personnes chaque mois. Google et Meta intègrent l’IA générative dans leurs activités publicitaires, Microsoft dans sa suite professionnelle et Github, Amazon dans le e-commerce pour améliorer recommandations et logistique. L’IA permet aussi des suppressions de postes : Microsoft a licencié 6 000 employés ce mois-ci, dont de nombreux ingénieurs logiciels. La prochaine étape du cycle du hype, la “pente de consolidation”, pourrait voir les entreprises qui n’ont pas suffisamment investi dans l’IA regretter leur retard, comme Apple, qui a manqué le lancement d’une version améliorée de Siri basée sur l’IA générative, reportée à cause de bugs. John Lovelock (Gartner) estime que le creux de la vague durera jusqu’à la fin de l’année prochaine. Pour que les agents IA tiennent leurs promesses, il est nécessaire d’améliorer leur mémoire et de développer de nouveaux protocoles pour accéder à divers flux de données. Microsoft a rejoint le Model Context Protocol, lancé par Anthropic, déjà adopté par Amazon, Google et OpenAI. De nombreuses entreprises estiment que leur besoin principal n’est pas des modèles d’IA plus intelligents, mais des moyens de rendre cette technologie réellement utile. Kevin Scott (Microsoft) évoque un “surplus de capacités” des modèles d’IA, c’est-à-dire des fonctionnalités inattendues. Dario Amodei (Anthropic) et Kevin Scott encouragent les utilisateurs à garder confiance et à continuer d’explorer le potentiel de l’IA générative.