LinkedIn, l’atout maître de Microsoft dans la course à l’IA
Bulletin : Le| Nouvel économiste 23 mai 2025
23 mai 2025
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LinkedIn fête ses 22 ans en mai, totalisant 1,1 milliard d’utilisateurs, soit un an de plus que Facebook. Depuis son rachat par Microsoft pour 26 milliards de dollars il y a huit ans, le chiffre d’affaires annuel de LinkedIn est passé de 3 à 17 milliards de dollars. La plateforme a diversifié ses sources de revenus : en 2023, elle a généré environ 7 milliards de dollars grâce à la publicité, 2 milliards de dollars via les abonnements payants, et reste le plus grand réseau social mondial pour le recrutement, pourvoyant un poste vacant toutes les deux secondes. Contrairement à Meta, qui tire 98 % de ses revenus de la publicité, LinkedIn s’appuie principalement sur ses activités de recrutement et d’abonnements.
L’utilisation de LinkedIn évolue : d’un simple réseau de contacts, il devient un canal de diffusion de contenu, ce qui ouvre des opportunités publicitaires mais menace son identité professionnelle. Malgré plus d’un milliard d’inscrits, l’engagement reste faible : selon Sensor Tower, les utilisateurs Android passent en moyenne 48 minutes par mois sur LinkedIn, contre 35 heures sur TikTok. Ce faible engagement limite le potentiel publicitaire, alors que la publicité BtoB, spécialité de LinkedIn, accuse un retard dans la transition numérique : plus de 80 % de la valeur des publicités américaines sera numérique cette année, mais moins de la moitié pour le segment BtoB, représentant un marché de 20 milliards de dollars à capter.
Pour accroître l’engagement, LinkedIn a modifié son algorithme il y a trois ans pour proposer plus de contenus adaptés aux centres d’intérêt, introduit des jeux de puzzle, et incite les utilisateurs à publier davantage. Les créateurs vedettes, comme le patron de McDonald’s Chris Kempczinski, sont mis en avant. Les changements externes, tels que la mobilité professionnelle accrue, la porosité entre vie privée et professionnelle post-Covid, la baisse de visibilité des actualités sur Meta et le repositionnement de X, ont favorisé l’essor des conversations sur LinkedIn. Les commentaires ont augmenté de 37 % en un an, les publications vidéo ont connu une hausse similaire, et l’activité publicitaire devrait croître de 11,6 % cette année. Le nombre d’abonnements payants a progressé de 50 % en deux ans.
Cette explosion de contenu pose des défis : la modération devient plus complexe, avec 56 000 publications supprimées au premier semestre 2020 contre près de 500 000 sur la même période l’année précédente, en raison de l’augmentation du volume et du renforcement des contrôles. L’image professionnelle de LinkedIn risque de s’édulcorer, le fil d’actualité étant envahi par des contenus en quête de reconnaissance, suscitant des critiques. LinkedIn ajuste son algorithme pour limiter la diffusion des publications personnelles et privilégier les contenus professionnels, aidé par l’IA.
L’intelligence artificielle est au cœur de la stratégie de LinkedIn et de Microsoft. Depuis son acquisition, LinkedIn est intégré à l’écosystème Microsoft : Outlook récupère les contacts LinkedIn, Dynamics utilise ses données pour le CRM. LinkedIn sert de terrain d’essai pour l’IA générative, ayant eu un aperçu du “point d’inflexion” de l’IA six mois avant la sortie de ChatGPT. Des outils d’IA sont développés pour aider à la rédaction de publications, l’évaluation d’offres d’emploi, la gestion du personnel via chatbot, et la recherche de candidats, comme l’a expérimenté Siemens, qui a réduit le temps de recrutement.
La relation entre LinkedIn et Microsoft est qualifiée de “symbiotique” : LinkedIn bénéficie de la technologie IA de Microsoft, tandis que Microsoft exploite les données générées par LinkedIn pour améliorer ses modèles, grâce à la richesse des informations démographiques. Cette synergie positionne Microsoft avantageusement face à ses concurrents “hyperscalers” comme Amazon et Google.
Cependant, cette utilisation intensive des données soulève des risques. LinkedIn jouit d’une meilleure réputation en matière de confiance que les autres réseaux sociaux, en partie grâce à sa prudence dans le partage des données. La connaissance approfondie des utilisateurs par LinkedIn et Microsoft pourrait devenir un avantage majeur dans la course à l’IA, à condition que les utilisateurs n’aient pas le sentiment que leurs données sont trop exploitées.