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La |Filière du foie gras fin prête pour la relance

Numéros de page :
pp.26-30
Après dix ans de crises marquées par la grippe aviaire et la période Covid, la filière foie gras connaît un net rebond. La production de canards, qui était passée de 37 millions de têtes en 2014 à un creux historique de 15 millions en 2022, s’établit aujourd’hui à 29 millions. La production de foie gras a augmenté de 60% entre 2023 et 2024, atteignant 16 700 tonnes, avec une prévision de 17 640 tonnes en 2025 (+1%). Le marché du foie gras affiche une croissance en volume de +18,7% (4 417 tonnes) et une hausse du chiffre d’affaires de +10,3% (374 millions d’euros) sur la période CAM P5 2025 vs CAM P5 2024. La stratégie vaccinale, inédite en Europe, a permis de limiter la grippe aviaire à seulement 15 foyers en France cette année, contre une centaine en Hongrie ou en Pologne, pays dont la production a fortement chuté. Depuis l’automne 2023, la vaccination est obligatoire dans les élevages de plus de 250 canards, et plus de 70 millions de canards ont été vaccinés en France. Cependant, la filière fait face à une réduction progressive de la prise en charge de la vaccination par l’État : 80% la première saison, 70% la suivante, et seulement 40% à partir du 1er octobre 2025. Ce désengagement représente un surcoût de 30 millions d’euros pour la filière, qui devra désormais financer l’achat des vaccins, en plus des 100 millions d’euros annuels déjà à sa charge. Les professionnels craignent que cette charge supplémentaire ne se répercute sur les prix pour le consommateur. Pour soutenir la relance, la filière mise sur la pédagogie, l’innovation et la reconquête des marchés, notamment en grande distribution et dans la restauration. Les marques investissent dans la publicité, l’animation en magasin et le développement de nouveaux produits, comme le bloc de foie gras « double plaisir » de Maison Montfort ou la gamme « Le Féérique » de Larnaudie. Labeyrie organise des marchés de Noël en magasin pour valoriser ses gammes. Des efforts sont également faits en amont, avec la modernisation des élevages (bâtiments « intelligents » Armonia de Lur Berri, espaces de 1 800 m², « jardin d’hiver » pour les canards, gestion automatisée de la lumière, température et distribution d’eau). Labeyrie Fine Foods s’engage dans une filière canard plus vertueuse, certifiant ses 230 producteurs avec le label Agri-Éthique. La reconquête de la restauration est un autre axe stratégique, avec des accords tripartites (ex : Labeyrie, Metro, producteurs du Sud-Ouest) axés sur la qualité, la traçabilité, la juste rémunération et la RSE. À l’export, la situation reste difficile : des marchés majeurs comme le Japon (800 tonnes/an, soit 25% des exportations) et la Thaïlande restent fermés en raison de la méfiance envers la vaccination, malgré l’avis favorable de l’OMSA depuis juin 2023, qui conditionne l’acceptation à des mesures strictes de surveillance et de traçabilité. La filière espère que la Commission européenne allégera prochainement certaines contraintes réglementaires, ce qui pourrait réduire les coûts de surveillance sanitaire et inciter l’État à maintenir son soutien financier. En grande distribution, les ventes de foie gras ont progressé de 10,8% en volume en 2024 par rapport à 2023. Le foie gras mi-cuit reste la catégorie la plus dynamique (+23,4% en volume), tandis que les MDD (marques de distributeurs) progressent plus vite que les marques nationales (+12,8% en valeur contre +1,9%). Les industriels multiplient les innovations (recettes IGP Gascogne, ingrédients locaux, kits de dressage, collaborations avec des chefs étoilés) pour reconquérir les 2 millions de foyers perdus et retrouver les niveaux de ventes de 2021. La filière foie gras, résiliente, s’appuie sur la sécurité sanitaire, l’innovation, la pédagogie et la diversification de l’offre pour consolider sa relance, tout en restant vigilante face aux défis financiers et à la réouverture des marchés internationaux.