Pourquoi les opposants à l’accord UE-USA se trompent de cible
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L’accord commercial conclu le 27 juillet 2025 entre la Commission européenne et le président Donald Trump impose aux exportations européennes vers les États-Unis un droit de douane de 15 %, contre 30 % en cas d’échec des négociations, mais près de dix fois plus élevé que le taux en vigueur avant le retour de Trump à la Maison-Blanche. En échange, l’UE supprime ses droits de douane sur les importations de produits industriels américains, facilite l’accès de certains produits agricoles américains à son marché, s’engage à acheter davantage d’énergie aux États-Unis et à investir des centaines de milliards de dollars outre-Atlantique. Malgré les critiques de dirigeants européens comme François Bayrou, Friedrich Merz et Viktor Orban, l’accord n’est pas aussi désavantageux que certains le prétendent : l’UE obtient des conditions similaires à celles du Japon, sa position commerciale relative reste inchangée, les voitures européennes ne subissent pas de droits sectoriels plus élevés, et l’UE conserve ses projets de réglementation des services numériques visant principalement les géants technologiques américains.
Certains dénoncent l’asymétrie de l’accord, les fabricants européens étant soumis à des droits de douane tandis que les Américains bénéficient d’un meilleur accès au marché européen. Cependant, les consommateurs européens profiteront d’un choix élargi et de prix plus bas, la majeure partie du coût des droits de douane étant supportée par les entreprises et consommateurs américains. Le contexte géopolitique, notamment la dépendance de l’Europe à la sécurité américaine et la situation en Ukraine, a poussé l’UE à accepter des concessions pour maintenir l’engagement des États-Unis en Europe.
Les problèmes de l’UE sont cependant plus profonds que ce simple accord commercial. Selon un rapport de Mario Draghi publié en 2024, l’économie européenne a un besoin urgent de réformes, d’innovation et d’investissements. Les droits de douane transatlantiques de 15 % sont faibles comparés aux barrières internes à l’UE, que le FMI estime équivalentes à des droits de douane de 44 % sur les biens et de 110 % sur les services. Les marchés financiers européens sont trop fragmentés et peu profonds pour financer l’innovation, et les investissements nécessaires pour combler le déficit de productivité font défaut. Les États membres freinent les réformes : l’Allemagne rechigne à stimuler ou intégrer les marchés de capitaux, la France bloque de nouveaux accords commerciaux qui diversifieraient les débouchés des exportateurs. Près d’un an après le rapport Draghi, presque aucune recommandation n’a été appliquée. Les critiques de l’accord UE-USA devraient donc se concentrer sur les réformes internes nécessaires plutôt que de blâmer les États-Unis.