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Big bang dans la cryptomonnaie

Numéros de page :
pp.2-3
Le 18 juillet 2025, le président Donald Trump a promulgué le GENIUS Act, accordant aux stablecoins une sécurité réglementaire attendue de longue date. Les stablecoins, cryptomonnaies adossées à des actifs conventionnels comme le dollar, connaissent une croissance rapide : 263 milliards de dollars de stablecoins sont en circulation, soit une hausse de 60 % en un an. La banque Standard Chartered prévoit que ce marché atteindra 2 000 milliards de dollars dans trois ans. Le marché des actifs tokenisés, qui représentent des copies numériques d’actifs financiers (actions, fonds, titres de créance, etc.), s’élève à 25 milliards de dollars, ayant plus que doublé en un an. JPMorgan Chase, première banque américaine, a annoncé le lancement d’un stablecoin baptisé “JPMorgan Deposit Token (JPMD)”, malgré le scepticisme antérieur de son directeur général Jamie Dimon. Le 30 juin, Robinhood a lancé plus de 200 nouveaux tokens pour les investisseurs européens, leur permettant de négocier des actions américaines et des ETF en dehors des horaires habituels de marché. Les stablecoins facilitent des transactions rapides et peu coûteuses, notamment pour les paiements transfrontaliers, en éliminant les intermédiaires traditionnels. Bien qu’ils ne représentent actuellement que moins de 1 % des transactions financières mondiales, le GENIUS Act devrait accélérer leur adoption. Ce texte législatif précise que les stablecoins ne sont pas des titres et impose qu’ils soient entièrement garantis par des actifs sûrs et liquides. Des géants de la distribution comme Amazon et Walmart envisagent de créer leurs propres stablecoins, qui pourraient fonctionner comme des cartes-cadeaux numériques, concurrençant directement les réseaux de paiement comme Mastercard et Visa, qui prélèvent environ 2 % de commission sur les ventes aux États-Unis. La tokenisation permet également de rendre liquides des actifs traditionnellement peu accessibles, comme les fonds monétaires. Par exemple, le fonds monétaire tokenisé de BlackRock, le plus important du secteur, pèse désormais plus de 2 milliards de dollars. Les fonds monétaires offrent des rendements de 4 %, contre moins de 0,6 % pour les comptes d’épargne américains. Larry Fink, PDG de BlackRock, estime que les fonds tokenisés deviendront aussi courants que les ETF. Cette évolution menace les banques traditionnelles : si elles perdaient 10 % de leurs 19 000 milliards de dollars de dépôts de particuliers, leur coût moyen de financement passerait de 2,03 % à 2,27 %. Même si le total des dépôts ne diminuait pas, les marges bancaires seraient réduites. L’American Bankers Association souligne que la combinaison stablecoins et fonds monétaires tokenisés pourrait rendre les dépôts bancaires moins attractifs. Les nouveaux tokens présentent aussi des risques pour le système financier. Les détenteurs de tokens d’actions Robinhood, par exemple, ne possèdent pas les titres sous-jacents mais un dérivé qui suit leur valeur, sans droits de vote. En cas de faillite de l’émetteur, les clients pourraient se retrouver en concurrence avec d’autres créanciers pour récupérer les actifs. Un cas similaire s’est produit avec la start-up Linqto, dont les clients ne savent pas s’ils sont réellement propriétaires des actifs achetés via des fonds communs de créances. La tokenisation ouvre l’accès à des marchés privés auparavant réservés à une élite, permettant à des millions d’investisseurs particuliers d’acheter des parts d’entreprises non cotées. Cependant, cela pose des défis réglementaires : la SEC a plus d’influence sur les sociétés cotées que sur les non cotées, et les tokens pourraient transformer des participations privées en actifs aussi liquides que des ETF, sans les obligations d’information correspondantes. Les fournisseurs de tokens ne sont pas tenus d’assurer la liquidité intrajournalière, contrairement aux émetteurs d’ETF. Les régulateurs, même favorables à la cryptomonnaie, insistent sur la nécessité de ne pas utiliser les tokens pour contourner les lois sur les valeurs mobilières. Hester Peirce, commissaire de la SEC, rappelle que “les titres tokenisés restent des titres” et que les règles de divulgation s’appliquent, quel que soit le support. Toutefois, la diversité des nouveaux actifs rend la tâche des autorités de surveillance complexe et évolutive. L’essor des stablecoins et de la tokenisation promet de transformer profondément la finance, en rendant les transactions plus rapides, moins coûteuses et en ouvrant de nouveaux marchés, mais il soulève aussi des risques pour la stabilité du système financier, la protection des investisseurs et la régulation. L’idée que la cryptomonnaie n’a rien apporté d’innovant est désormais dépassée.