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L’|Ere des marques de célébrités

Numéros de page :
pp.8-9
Entre 2018 et 2022, l’analyse de 246 millions de polices d’assurance habitation aux États-Unis a révélé une hausse du coût et une diminution de l’accessibilité de l’assurance pour des millions d’Américains, particulièrement dans les zones les plus exposées aux catastrophes climatiques. Dans ces régions à risque, le coût moyen des primes est 82 % plus élevé que dans les zones les moins risquées, et les taux de non-renouvellement y sont également bien supérieurs, les assureurs refusant plus souvent de reconduire les contrats. Ce rapport, publié par le Bureau fédéral des assurances du Trésor américain quatre jours avant l’investiture de Donald Trump le 20 janvier, s’appuyait sur des données de la National Oceanic and Atmospheric Administration et de la Federal Emergency Management Agency (Fema). Ces agences, touchées par des réductions d’effectifs, sont menacées de suppression, tout comme le Federal Insurance Office (FIO), selon un projet de loi républicain qui confierait la régulation du secteur aux seuls États. Les dirigeants du secteur de l’assurance ont critiqué le rapport du FIO, le jugeant trop centré sur le changement climatique et négligeant d’autres facteurs comme l’inflation, les litiges et la migration vers des zones à risque. Certains soulignent que la hausse des prix de l’immobilier a jusqu’ici protégé contre les défauts de paiement des crédits immobiliers, et que l’exposition financière des assureurs est limitée car les contrats sont annuels, contrairement à la durée des prêts immobiliers. Des efforts sont en cours pour rendre le marché de l’assurance plus résilient face aux risques climatiques, encourager la construction dans des zones moins dangereuses et améliorer la résistance du parc immobilier existant. Cependant, ces initiatives dépendent de données et d’analyses sur le changement climatique, dont la collecte et le partage sont remis en cause aux États-Unis. Après la publication du rapport du FIO, la Fed et le FIO se sont retirés du Réseau des banques centrales pour le verdissement du système financier, conformément à de nouveaux décrets présidentiels. La secrétaire à l’Agriculture, Brooke Rollins, a déclaré publiquement que le gouvernement ne s’occupait plus du changement climatique. Dans le secteur de la grande consommation, la tendance des marques de célébrités s’accélère alors que la frontière entre retail et réseaux sociaux s’estompe. Kim Kardashian a lancé en 2019 Skims, sa marque de lingerie sculptante, qui réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel d’environ 1 milliard de dollars (854 millions d’euros). Skims a généré l’an dernier plus de 600 millions de dollars (512 millions d’euros) en “valeur d’impact médiatique”, soit huit fois plus que la marque concurrente Spanx. Les célébrités, qui auparavant se contentaient de prêter leur image à des campagnes publicitaires, créent désormais leurs propres entreprises et produits. Selon une étude de JLL en 2023, environ 60 % des marques de détail lancées par des célébrités aux États-Unis ont été créées au cours des six années précédentes. La tendance se poursuit avec des stars comme Dwayne Johnson (soins pour hommes), Emma Watson (gin), David Beckham (compléments alimentaires) ou Wiz Khalifa (kits de culture de champignons). En mai, Hailey Bieber a vendu sa marque de maquillage Rhode à e.l.f. Beauty pour environ 1 milliard de dollars. Les réseaux sociaux permettent aux célébrités de communiquer et de vendre directement à leurs fans, sans passer par des détaillants ou des magasins physiques. Kim Kardashian compte plus de 350 millions d’abonnés sur Instagram et utilise ses réseaux pour promouvoir Skims. Les outils comme Shopify facilitent la création de sites d’e-commerce, et des plateformes comme TikTok permettent la vente directe. Selon NIQ, les ventes directes aux consommateurs représentent désormais environ un septième de l’e-commerce mondial. Selon Anita Balchandani (McKinsey), ces ventes directes peuvent représenter jusqu’à 100 % des revenus d’une marque de célébrité à ses débuts, puis tombent à 30-60 % à mesure que la marque se développe. Toutes les marques de célébrités ne réussissent pas : The Honest Company, cofondée par Jessica Alba, a perdu les trois quarts de sa valeur de marché depuis son introduction en bourse en 2021. Le choix du produit est crucial : vêtements et alcool, achetés pour leur symbolique, sont des valeurs sûres, tout comme les cosmétiques, faciles à externaliser. Les produits doivent correspondre à l’image de la célébrité : les fans achètent le maquillage de Selena Bieber pour ses conseils beauté, ou les vêtements minceur de Kim Kardashian pour sa notoriété liée à ses courbes. Certaines célébrités, comme Ryan Reynolds, diversifient leurs activités : il a acquis 25 % de Mint Mobile en 2019, revendue à T-Mobile pour environ 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros), et a racheté le club de football Wrexham A.F.C. pour 2 millions de livres sterling (2,3 millions d’euros), qui cherche actuellement à lever 350 millions de livres sterling (406 millions d’euros). La qualité du produit reste essentielle, car la visibilité accrue s’accompagne d’une surveillance renforcée. Goop, la marque de Gwyneth Paltrow, a été critiquée pour des allégations non prouvées et a licencié près d’un quart de ses employés l’an dernier. Le partenariat commercial est également déterminant : Idris Elba a cofondé Porte Noire avec un expert du secteur viticole, David Farber. Des incubateurs comme ceux de United Talent Agency ou Creative Artists Agency aident les célébrités à lancer leurs entreprises, et Universal Music Group a récemment annoncé un partenariat pour aider ses artistes à se diversifier dans la mode et d’autres biens de consommation. Il n’a jamais été aussi facile de créer une marque autour d’une célébrité, mais la maintenir dans le temps reste difficile, notamment à l’ère des réseaux sociaux où la notoriété est volatile. Skims, par exemple, fait une référence indirecte à Kim Kardashian pour assurer sa pérennité. Le véritable défi pour ces marques sera de résister à l’épreuve du temps, comme l’illustrent les exemples d’Air Jordan ou de Beats, dont la notoriété dépasse celle de leurs fondateurs auprès des nouvelles générations.