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Flottes automobiles : des cartes multiservices au service de la décarbonation

Numéros de page :
pp.14-16
Conformément à la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, les flottes automobiles des entreprises et administrations doivent intégrer une part croissante de véhicules à faibles émissions, avec un quota actuel de 20 % lors du renouvellement annuel du parc, qui atteindra 50 % d’ici 2030. Cependant, entre 54 % et 60 % des entreprises et un peu plus de 50 % des collectivités ne respectent pas ces objectifs, selon la direction générale de l’énergie et du climat. Environ 3 500 entreprises, principalement des grands groupes et sociétés de location, sont concernées par ces quotas. Pour accélérer la transition, une taxe “incitative” a été introduite dans le budget 2025 de l’État, applicable aux entreprises disposant d’une flotte d’au moins 100 véhicules, qu’ils soient en propriété, location longue ou courte durée, ou crédit-bail. Depuis le 1er mars 2025, une sanction financière de 2 000 euros par véhicule à faibles émissions manquant lors du renouvellement du parc est appliquée, montant qui doublera à 4 000 euros en 2026 et atteindra 5 000 euros en 2027. Cette mesure vise à contraindre les entreprises à respecter le calendrier législatif, sous peine de lourdes pénalités. Actuellement, 65 % des entreprises françaises ont déjà intégré des véhicules particuliers électriques ou hybrides rechargeables dans leur parc, contre 42 % au niveau européen (source : Baromètre des flottes et de la mobilité 2025, Arval Mobility Observatory France et Ipsos). Malgré cette progression, la majorité des flottes reste composée de véhicules essence ou diesel, et la trajectoire d’électrification est jugée trop lente par les pouvoirs publics. Pour accompagner cette transition, les fournisseurs de cartes multiservices, tels que Shell Fleet Solutions, Greenway et DKV Mobility, proposent des solutions facilitant la gestion et la décarbonation des flottes. Le programme “Accelerate to Zero” de Shell permet de calculer l’empreinte carbone, d’optimiser la gestion de flotte et d’accéder à près de 90 % du réseau public de bornes de recharge en France. Greenway, avec sa “Carte mobilité”, revendique l’accès à la totalité des bornes publiques, y compris le réseau Tesla, et à l’ensemble des près de 11 000 stations-service françaises. En comparaison, les clients n’ayant accès qu’aux 3 000 stations du réseau TotalEnergies doivent effectuer un détour moyen de 22 minutes par plein, générant des émissions de CO2 supplémentaires. Les fournisseurs rivalisent également sur les outils numériques de gestion, proposant des plateformes centralisant toutes les transactions, permettant de fixer des plafonds de consommation, des restrictions horaires ou géographiques, et de suivre précisément les consommations et émissions de chaque véhicule. Greenway fournit des rapports détaillés incluant les équivalents CO2 de toutes les dépenses. Certains, comme DKV Mobility, intègrent un planificateur d’itinéraires pour éviter les kilomètres à vide et les émissions inutiles, couvrant environ 5 000 stations-service avec la “DKV card”. En complément, des systèmes de télématique embarquée (boîtiers) sont proposés pour analyser le comportement des conducteurs (accélérations, freinages brusques), l’état du véhicule, ou le rapport distance/temps, permettant d’identifier des leviers de réduction de la consommation de carburant et des coûts. Pour les entreprises dont la transition vers l’électrique prendra encore plusieurs années, des solutions de compensation des émissions de CO2 sont proposées. Shell facture un supplément d’un à quelques centimes par litre de carburant, destiné à financer des projets environnementaux visant à préserver la nature et améliorer les conditions de vie locales. DKV Mobility, en partenariat avec MyClimate, applique un surcoût de 2,2 à 2,5 centimes par litre selon le carburant, avec délivrance d’un certificat officiel de contribution à la protection climatique. Greenway sollicite une contribution de 1 % des dépenses, permettant aux clients de choisir parmi une quarantaine de projets axés sur la biodiversité, l’atténuation du changement climatique et le renforcement du tissu social. Malgré ces initiatives, de nombreuses entreprises privilégient la réduction des coûts de carburant à la compensation environnementale, en raison de contraintes économiques. Toutefois, l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs dès 2035 dans l’Union européenne obligera à terme toutes les entreprises à accélérer leur transition. Enfin, une “mission flash” menée fin 2024 par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a abouti à 21 propositions pour accélérer l’électrification des flottes, dont l’exclusion des hybrides rechargeables des quotas, le développement du crédit mobilité, et le soutien à l’installation de bornes de recharge chez les particuliers. Une proposition de loi déposée le 13 février 2025 vise à réformer la LOM, mais son adoption reste à venir, nécessitant l’accord de l’Assemblée nationale et du Sénat.