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Traduction du langage animal : le sprint final ?

Numéros de page :
pp.104-107
Le multilatéralisme commercial traditionnel, notamment au sein de l’OMC, est remis en cause, en particulier par le retrait des États-Unis de certains mécanismes comme l’Organe de règlement des différends. Un accord de substitution regroupe une trentaine de pays, dont l’Union européenne et la Chine, mais sans les États-Unis. La domination du dollar américain dans le système monétaire et financier international pourrait être remise en question, avec la perspective d’un système multipolaire intégrant l’euro et le renminbi. Toutefois, la transition sera progressive, car il n’existe pas encore suffisamment d’euros et de renminbis pour remplacer le dollar dans les transactions internationales. Pour accélérer ce processus, il faudrait que les banques centrales européenne et chinoise rendent leurs devises plus accessibles et que l’Europe mette en place une union des marchés de capitaux et réforme son marché du crédit. L’évolution vers un système multipolaire sera donc graduelle, le dollar conservant une place centrale mais avec une importance croissante de l’euro et du renminbi. Dans le domaine de la traduction du langage animal, des avancées notables ont eu lieu. En 2017, une étude commandée par Amazon prévoyait l’apparition d’un outil de traduction du langage animal avant 2027. Depuis, plusieurs produits ont vu le jour, comme le collier Petpuls (2021) capable d’identifier cinq états émotionnels chez le chien, ou le collier Shazam de Personifi AI lancé fin 2024, qui traduit les aboiements en phrases. Cependant, la fiabilité de ces dispositifs reste discutée. La communication avec les animaux est une préoccupation ancienne, présente dans de nombreuses cultures autochtones. Les progrès récents de l’intelligence artificielle (IA) ont relancé l’intérêt pour ce domaine, avec un potentiel économique important, notamment via la vente de technologies aux propriétaires d’animaux. La recherche scientifique s’accélère, principalement dans la reconnaissance et la classification des sons animaux, plutôt que dans la traduction à grande échelle. Le Earth Species Project, organisme à but non lucratif basé dans la Silicon Valley et fondé par des figures de la tech comme Katie Zacarian, Aza Raskin et Britt Selvitelle, se consacre au décodage du langage non humain grâce à l’IA. Il soutient chercheurs et universités en échange de données sur le comportement et le langage animal. La start-up américaine Zoolingua travaille à traduire les aboiements de chiens en anglais américain, avec l’ambition d’étendre cette technologie à d’autres espèces comme le chat, le cheval et l’orque. Ces entités développent des technologies telles que le débruitage des enregistrements. Les progrès de l’IA facilitent les découvertes, qui à leur tour améliorent les modèles d’IA. L’association d’un son à un comportement observé reste une difficulté majeure, tout comme la vérification du sens des messages. Le Earth Species Project prévoit de rendre public en 2025 son modèle « NatureLM-audio », développé à partir d’un vaste ensemble de données (parole humaine, musique, bioacoustique), permettant la détection et la classification de vocalisations et la reconnaissance de nouvelles espèces. Plusieurs découvertes récentes sont notables : en 2023, la biologiste Michelle Fournet a traduit pour la première fois un son de baleine à bosse (« je suis là ») en collaboration avec le Earth Species Project. Le projet CETI, qui étudie la communication du cachalot, a posé en mai 2024 les bases d’un alphabet phonétique sous forme de codas (clics auditifs). En 2024, des études ont montré que les éléphants de la savane africaine et les ouistitis communs attribuent des noms à leurs compagnons. Les opportunités de la traduction du langage animal sont multiples, allant de produits grand public à des projets scientifiques visant à transformer la relation de l’homme à la nature. Zoolingua souhaite révolutionner les interactions interespèces et réduire, par exemple, le nombre d’euthanasies de chiens dues à des comportements jugés incontrôlables. La compréhension du langage animal pourrait améliorer la reconnaissance de la souffrance animale et ouvrir la voie à la définition d’un statut moral et de droits pour les animaux. Le Earth Species Project parle d’« épanouissement » pour toutes les catégories du vivant, tandis que Zoolingua promet un monde plus empathique où chaque créature est entendue. Des risques existent : la vérification du sens des messages peut perturber les animaux, voire leur causer un choc émotionnel. Le langage animal pourrait devenir un outil d’influence ou de contrôle, entraînant des dérives comme des déplacements forcés ou des excès dans la chasse. Des garde-fous sont nécessaires pour éviter que la technologie ne renforce l’anthropocentrisme. Un cadre éthique est en cours d’élaboration sous l’impulsion de César Rodríguez-Garavito, professeur à l’université de New York et directeur du projet « More Than Human Rights » (MOTH), en partenariat avec le projet CETI. Les lignes directrices éthiques seront retravaillées par des spécialistes, examinées par un groupe interdisciplinaire (dirigeants autochtones, anthropologues, biologistes) puis soumises aux entreprises technologiques. La réglementation pourrait cependant avoir du retard sur les capacités des outils, et l’accès aux licences d’utilisation pourrait devenir un enjeu majeur dans les prochaines années.