Scpi, éloge de la diversité
Bulletin : Le Nouvel économiste 27 juin 2025
27 juin 2025
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pp.28-30
Créées dans les années 1960, les SCPI (sociétés civiles de placement immobilier) ont traversé de nombreuses crises majeures : choc pétrolier des années 1970, crise immobilière du début des années 1990, crise des subprimes de 2008, crise du covid en 2021. Malgré ces turbulences, leur marché a continué de croître et les taux de distribution sont restés stables, voire en légère hausse. En 2015, la capitalisation des SCPI en France était de 30 milliards d’euros avec un taux de distribution moyen de 4,5 %. En 2024, la capitalisation atteint 65 milliards d’euros et le taux de distribution moyen est de 4,60 % (source : France SCPI).
La crise du covid a profondément modifié le modèle des SCPI, notamment celles investies dans de grands ensembles de bureaux en périphérie de Paris, qui se sont retrouvées fragilisées par la généralisation du télétravail et la vacance des locaux. Les grands centres commerciaux en périphérie ont également souffert du développement de l’e-commerce et du retour en force des commerces de proximité. Les SCPI peu diversifiées, concentrées sur ces actifs, font face à une crise multifacette : baisse du nombre de locataires, diminution de la collecte, augmentation des demandes de rachats de parts.
À l’inverse, les SCPI ayant anticipé ces évolutions ou créées après la crise du covid ont mieux résisté, notamment grâce à une stratégie de diversification. Beaucoup ont adopté une approche “small is beautiful”, privilégiant l’acquisition de nombreux petits ou moyens immeubles (inférieurs à 10 millions d’euros), ce qui permet de multiplier les locataires et de lisser le risque. Par exemple, la SCPI Épargne Pierre d’Atland Voisin compte plus de 500 locataires. Les petits immeubles sont aussi plus faciles à relouer ou à vendre en cas de besoin. Cette stratégie s’applique aussi bien à l’immobilier de bureaux de centre-ville (Paris, Nantes, Bordeaux, Lyon) qu’à l’hôtellerie ou aux loisirs, secteurs qui se portent bien. À Paris intra-muros, les loyers de bureaux continuent d’augmenter et le taux de vacance reste faible.
Certaines SCPI se spécialisent dans des secteurs porteurs issus de la période post-covid, comme la santé (résidences gérées, laboratoires), l’industrie ou la logistique, qui bénéficient de la réindustrialisation européenne et de la constitution de stocks tampons pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement. Le développement de l’e-commerce accroît également la demande en entrepôts. Même les SCPI spécialisées diversifient leurs actifs sur plusieurs zones géographiques, souvent en province plutôt qu’à Paris. Plusieurs sociétés de gestion ont leur siège en dehors de la capitale, comme Atland Voisin à Dijon ou Theoreim à Bordeaux.
La diversification s’étend aussi à l’international. Par exemple, la SCPI Transitions Europe, lancée en 2023 par Arkéa Reim, investit à 100 % en zone euro hors France et a collecté 435 millions d’euros en 2024. Elle a affiché la meilleure performance de rendement en 2023 (8,16 %) et la deuxième en 2024 (8,25 %). D’autres SCPI performantes, comme Comète, Corum Origin, Iroko ou Remake Live, diversifient à la fois leurs secteurs d’acquisition et leurs zones géographiques, y compris au Royaume-Uni, dans les pays nordiques et en Europe de l’Est.
Le choix des locataires reste crucial, tout comme la capacité à relouer rapidement les immeubles, qui doivent répondre aux normes de modernisation, notamment environnementales (isolation, panneaux photovoltaïques). L’horizon de placement d’une SCPI est de huit à dix ans, ce qui en fait un investissement de long terme, non spéculatif. Un rendement trop élevé peut traduire une incertitude accrue sur la durée.
Au premier trimestre 2025, la collecte brute des SCPI atteint 1,3 milliard d’euros, en hausse de 18 % par rapport à la même période en 2024, signalant un redémarrage du marché après une période de stagnation (source : Aspim). Les rendements des SCPI restent relativement élevés et stables, mais la liquidité est moindre que pour des actions. L’horizon de placement conseillé est d’au moins huit ans, souvent plus, car de nombreux investisseurs conservent leurs parts toute leur vie, voire les transmettent à leurs héritiers.
La plupart des SCPI sont aujourd’hui à capital variable, permettant d’acheter ou de vendre des parts à tout moment, le prix de cession étant fixé par la société de gestion. Toutefois, en cas de crise ou de désaffection du marché, la revente peut être longue ou se faire à un prix inférieur à l’achat, surtout pour les SCPI exposées aux grands ensembles de bureaux ou de commerces. Les frais de souscription avoisinent les 10 %, ce qui signifie qu’une part achetée 100 euros vaut en réalité 90 euros à la revente, sauf revalorisation du prix des parts, qui n’est ni garantie ni automatique.
Pour attirer les investisseurs dans un marché ralenti, certaines sociétés de gestion proposent des offres de “cashback”, reversant à l’épargnant une partie des commissions prélevées (de 3 % à 6 % du capital), directement sur le compte du client. Cette pratique reflète la concurrence accrue sur un marché où la collecte annuelle globale des SCPI tourne autour de 3,5 à 4 milliards d’euros, contre environ 10 milliards au pic. Cinq à six sociétés de gestion captent environ les deux tiers de la collecte, une dizaine d’autres dépassent les 50 millions d’euros de collecte annuelle, tandis que de nombreuses nouvelles SCPI sont lancées, générant des stratégies commerciales agressives.
En résumé, les SCPI ont doublé leur capitalisation en moins de dix ans, mais la crise du covid a marqué la fin du modèle basé sur les grands ensembles de bureaux ou de commerces. Les SCPI les plus performantes sont celles qui ont opté pour la diversification, tant en taille d’actifs qu’en secteurs économiques et zones géographiques, en France comme à l’étranger. Les rendements restent attractifs, mais la liquidité et la valorisation des parts dépendent du contexte de marché et de la stratégie de gestion.