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Alors même que les Murdoch se déchirent, leur empire prospère

13 juin 2025
Numéros de page :
p.10
Rupert Murdoch, 94 ans, a tenté de modifier une fiducie familiale pour empêcher trois de ses enfants d’hériter du contrôle de Fox Corporation et News Corp, mais sa démarche a été rejetée par un tribunal du Nevada ; un appel est en cours. Malgré ces querelles familiales et l’incertitude juridique, l’empire Murdoch prospère, ce qui surprend compte tenu du déclin des secteurs de la télévision linéaire et de la presse écrite. Fox, valorisée à environ 24 milliards de dollars, s’est recentrée en 2019 sur l’information et le sport après avoir vendu ses actifs de divertissement général à Disney pour 71 milliards de dollars. Alors que la part des foyers américains équipés de télévision payante a chuté de près de 90 % à environ 50 % en quinze ans, et que le temps passé devant la télévision hertzienne a été divisé par deux au profit du streaming, Fox a vu sa valeur augmenter. Cette réussite s’explique par la stabilité de l’audience sur l’information et le sport, secteurs moins touchés par la concurrence du streaming. En 2020, les revenus de Fox issus des redevances câblo-opérateurs sont passés de 5,9 milliards à 7,3 milliards de dollars en 2024, malgré la baisse du marché du câble. L’audience reste forte : la diffusion de l’Indianapolis 500 a attiré 7,1 millions de téléspectateurs, un record depuis 2008, et Fox News a enregistré son meilleur trimestre historique en termes d’audience. Le retour de Donald Trump a aussi favorisé l’activité publicitaire, attirant des annonceurs majeurs comme Amazon, Netflix et GE, et élargissant la base d’annonceurs au-delà des secteurs traditionnels. Fox a également investi dans le streaming en rachetant Tubi en 2020, un service gratuit financé par la publicité, qui devrait générer plus d’un milliard de dollars cette année. Lors de la diffusion du Super Bowl sur Tubi, 8 millions de nouveaux téléspectateurs ont été attirés, dont 40 % avaient moins de 34 ans. Fox prépare aussi le lancement de Fox One, une plateforme regroupant tous ses contenus linéaires, prévue avant la saison de la Ligue nationale de football américain en septembre. Fox bénéficie d’une grande agilité stratégique, n’ayant pas à protéger un large portefeuille de chaînes câblées linéaires. News Corp, qui détient notamment le Wall Street Journal et le New York Post, a vu son action progresser de près de 50 % en deux ans, malgré le déclin de la presse écrite (plus de 3 000 journaux ont fermé aux États-Unis en 20 ans, soit un tiers du total). Le succès de Dow Jones, propriétaire du Wall Street Journal, repose sur un modèle axé sur les abonnements et la fourniture de données aux entreprises, avec un chiffre d’affaires en hausse de 40 % depuis 2020. HarperCollins, la maison d’édition du groupe, profite aussi de la croissance des livres audio. Le principal moteur de la valorisation de News Corp est sa participation de 61 % dans REA Group, une plateforme immobilière australienne cotée, acquise en 2001. REA vaut désormais plus de 20 milliards de dollars, soit environ 4 milliards de plus que News Corp elle-même. Entre 2017 et 2024, la corrélation entre les cours de News Corp et REA a atteint 84 %. La succession reste incertaine : Rupert Murdoch souhaite maintenir son fils Lachlan à la tête de Fox et News Corp, mais à son décès, ses trois autres enfants (Prudence, Elisabeth, James) auront assez de voix pour évincer Lachlan, à moins que le trust familial ne soit modifié ou que leurs parts soient rachetées. Cette perspective de changement suscite l’intérêt des investisseurs, certains activistes réclamant la séparation de News Corp et REA, et spéculant sur une possible acquisition de Fox dans un contexte de consolidation des studios hollywoodiens. L’attrait des investisseurs pour Fox et News Corp s’explique autant par la gestion habile de Rupert Murdoch que par l’anticipation de la fin de son règne et des bouleversements à venir.
Note Générale : Source : "The Economist".