Petit déjeuner. Ces marques centenaires toujours dans le coup
Bulletin : LSA 29 mai 2025
29 mai 2025
Numéros de page :
pp.30-46
Le petit déjeuner demeure un moment privilégié pour la majorité des Français, considéré comme le repas le plus important de la journée par plus de 70% d’entre eux (enquête Appinio pour LSA, novembre 2024). Cependant, les jeunes générations s’en détournent : 43% des 15-24 ans sautent ce repas quotidiennement, contre 17% des 55-65 ans. Les jeunes privilégient le grignotage dans les coffee shops, les espaces de travail (24% des 18-24 ans vs 7% de la population) ou les transports (11% vs 5%). Malgré cela, 73% des Français prennent encore leur petit déjeuner à la maison, souvent à table, mais 24% l’associent à d’autres activités (emails, réseaux sociaux, préparation des enfants).
Le marché du petit déjeuner en grandes surfaces (boissons chaudes, tartinables, céréales) génère plus de 7,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en hausse de 3,1% (+1,1% en volume) selon Circana (année glissante arrêtée au 23 février 2025). Les pâtes à tartiner progressent de 11,1% en valeur (803,6 millions d’euros, +5,5% en volume), devant les infusions (+7,6%, 239,6 millions) et les cafés torréfiés (+5,7%, 1,4 milliard, +0,8% en volume, soit +76,6 millions d’euros en valeur absolue). Les céréales et laits industriels reculent légèrement (-0,9% et -0,5%, à 837,4 millions et 86,5 millions d’euros respectivement).
Les marques historiques du petit déjeuner, souvent centenaires, se réinventent pour répondre aux attentes de naturalité, de nutrition, de praticité et de plaisir, tout en célébrant leur héritage. Poulain (fondée en 1848), Kellogg (créateur des corn flakes), Léonce Blanc (confiturier corrézien), Jacquet (pain grillé depuis 1885), Lavazza (café depuis 1895), Chicorée Leroux (depuis 1858) et d’autres multiplient innovations et campagnes pour séduire toutes les générations.
Chicorée Leroux, après une refonte de son identité visuelle en 2023, lance en 2024 des dosettes souples et des bocaux consignés, puis en avril 2025 une gamme de quatre infusions à base de chicorée et de plantes (Boost, Recup, Digest, Detox, prix conseillé 2,99€). L’entreprise, rachetée en 2022 par Ghislain Lesaffre, affiche une croissance de 4% de son CA (un peu moins de 30 millions d’euros en 2021), 25 références, 125 salariés, et investit plusieurs millions d’euros dans la modernisation industrielle (récupérateur de chaleur, panneaux photovoltaïques). La production est 100% française, mais la concurrence étrangère, notamment indienne, reste un défi. La chicorée, sans caféine, séduit aussi les jeunes pour ses atouts nutritionnels. Leroux réalise la moitié de son CA en France, l’autre à l’export (principalement États-Unis), et développe le BtoB (alimentation humaine et animale, alternative au caramel ou cacao).
Jacquet, filiale de Limagrain, fête ses 140 ans en 2025 et lance la Super Tartine, naturellement riche en fibres (7,5% contre 3,8% pour la tartine classique), notée Nutri-score A, issue de 20 ans de recherche sur le blé. Jacquet propose aussi le premier pain de mie sans croûte fabriqué avec de la farine de blé « sans résidus de pesticides » (moins de 0,01 mg/kg pour plus de 700 molécules). Le CA de Jacquet Brossard atteint 380 millions d’euros (2023-2024), avec 13,3% de part de marché en valeur sur la panification préemballée, quatre boulangeries industrielles et un engagement fort pour l’agriculture durable.
Kellanova (ex-Kellogg Company) domine le marché des céréales avec 34,4% de part de marché en valeur et 29,1% en volume (cumul annuel mobile mars 2025). Trésor, créée en 2007, est leader en France (16,8% de part de marché en valeur) et en Europe depuis 2021, avec 26,5 millions de paquets vendus en 2024. Kellanova lance 1 à 3 innovations par an (goût brownie en 2024, chocolat noir en 2023) et relance la mascotte Cornelius dans une campagne visant à réaffirmer l’importance du petit déjeuner, moment familial et nutritionnel clé pour 70% des Français. Le CA France 2024 est de 604 millions d’euros, avec 41 références céréales et trois usines en Europe.
Le Gall, beurrerie artisanale fondée en 1923 à Quimper, réalise 86 millions d’euros de CA en 2024 (+7,8%), dont 5% à l’export, avec 40 références (50% en bio) et 47 salariés. La marque, certifiée Entreprise du patrimoine vivant, mise sur la tradition (maturation au levain naturel, barattage lent) et l’innovation (mini-beurriers aromatisés, nouveaux emballages écologiques à partir de septembre 2025). Le lait provient d’éleveurs finistériens (85 en bio sur 410 producteurs du groupe Sill).
Poulain, propriété de Carambar & Co depuis 2017, a relocalisé 100% de sa production en France. En 2024, le CA atteint 83 millions d’euros, avec 17 millions de tablettes vendues. La marque, fondée en 1848, modernise son identité visuelle et lance deux nouvelles tablettes au lait. Elle prépare une offre inédite pour adultes. Poulain est présente sur trois segments : tablettes, poudre cacaotée, pâtes à tartiner.
Clément Faugier, PME ardéchoise fondée en 1885, leader de la crème de marron (80% de part de marché), réalise 22 millions d’euros de CA en 2024, avec 65 salariés, deux sites de production et 150 références. L’export représente 5 à 10% du CA. L’entreprise diversifie ses usages (glace à la crème de marron, 2022) et ses produits.
Léonce Blanc, confiturier corrézien fondé en 1892, s’est lancé en GMS en 2022 avec une gamme 70% de fruits, affichant la meilleure contribution en gains volumes de la catégorie. Le CA 2024 est de 100 millions d’euros, 1,2 million de foyers conquis en trois ans, 1200 tonnes de fruits transformés/an, 40 000 tonnes de produits finis pour le groupe Valade. La marque privilégie l’approvisionnement local mais s’adapte au goût des consommateurs et au dérèglement climatique.
Lu, marque iconique de biscuits (fondée en 1846, Véritable Petit Beurre en 1886), détenue par Mondelez International, détient 25,2% de part de marché en valeur sur les biscuits gâteaux moelleux, avec 840 millions d’euros de CA en sortie de caisse (CAM P4 2025) et près de 80% de pénétration. En 2025, Lu gagne 2,8 points de part de marché et croît de 16,3%. La marque adopte un emballage papier (économie de 180 tonnes de plastique/an) et une nouvelle identité visuelle. Objectif : +10% de CA d’ici 2030.
Banania, quatrième marque de boisson chocolatée (6,4% de part de marché en volume en 2024, 90% de notoriété), innove avec une pâte à tartiner sans huile de palme (2012), des capsules compatibles Dolce Gusto (2020), des barres céréales (2021) et un sachet verseur refermable (réduction de 70% de plastique). Le CA n’est pas précisé, mais la marque poursuit sa diversification et son engagement sociétal (partenariat avec La Voix de l’enfant).
Lavazza, torréfacteur familial italien fondé en 1895, célèbre ses 130 ans en 2025. Le groupe réalise 3,4 milliards d’euros de CA en 2024 (+9,1%), avec 14,8% de part de marché en valeur en France (17,1% en volume). Lavazza multiplie les innovations (collection Tales of Italy, lancement de 1àbli, café portionné en tablette en septembre 2025) et renforce sa présence internationale (rachat de Carte Noire en 2016, Maxicoffee en 2020). La direction reste familiale, avec la quatrième génération aux commandes.
Enfin, le marché du petit déjeuner est marqué par une forte capacité d’innovation, une valorisation du patrimoine et une adaptation constante aux nouvelles attentes : nutrition, praticité, naturalité, plaisir, engagement sociétal et environnemental. Les marques historiques, tout en célébrant leurs anniversaires, investissent dans la modernisation, la communication et la diversification pour séduire toutes les générations et répondre à la concurrence, notamment des MDD et des nouveaux modes de consommation.