Fidji Simo, une française bientôt aux manettes de ChatGPT
Bulletin : LSA 22 mai 2025
22 mai 2025
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pp.6-9
Fidji Simo, née en 1985 à Sète dans une famille de pêcheurs, diplômée de HEC en 2008 et ayant terminé ses études à UCLA, a débuté sa carrière chez eBay à San José, Californie, après un stage. De 2011 à 2021, elle travaille chez Facebook (devenu Meta), où elle structure l’application mobile et l’offre publicitaire, devenant un pilier du modèle économique de l’entreprise et rejoignant la M-team, cercle rapproché de Mark Zuckerberg. En 2021, elle cofonde l’institut Metrodora à Salt Lake City, dédié à la recherche sur les maladies auto-immunes, puis prend la direction d’Instacart en août 2021. Elle rejoint le board de Shopify en décembre 2021 et celui d’OpenAI en mars 2024. En 2024, elle est nommée CEO des applications d’OpenAI, supervisant notamment ChatGPT, et reportera directement à Sam Altman.
Fidji Simo, 39 ans, est reconnue comme l’une des Françaises les plus influentes de la tech américaine. Elle s’apprête à piloter la partie applications d’OpenAI, valorisée à près de 300 milliards de dollars, et a déjà intégré son conseil d’administration en mars 2024. Elle met en avant sa passion pour l’intelligence artificielle (IA), notamment pour ses applications en santé, domaine qui la touche personnellement en tant que personne atteinte d’une maladie chronique. Elle souligne l’impact sociétal majeur de l’IA, comparable à celui des réseaux sociaux.
Chez Instacart, start-up de livraison alimentaire, elle relève le défi de la rentabilité en deux ans en structurant l’entreprise et en développant une solution publicitaire pour les distributeurs partenaires, transformant Instacart en une plateforme technologique rentable et un prestataire de retail media en marque blanche. Cette stratégie de monétisation est vue comme un atout pour OpenAI.
Le marché de l’IA connaît une croissance rapide : 78% des entreprises américaines ont intégré l’IA dans au moins une fonction en 2024 (contre 55% en 2023), et 71% ont adopté des outils d’IA générative (contre 33% en 2023). Le poids du marché mondial de l’IA générative est estimé à 100 milliards de dollars en 2026, soit 24% de la valeur totale du marché de l’IA. Le plan Stargate, annoncé en janvier par le président américain, prévoit 500 milliards de dollars d’investissements privés pour accélérer sur l’IA dans les prochaines années. En France, 109 milliards de dollars doivent être investis par des acteurs privés.
Fidji Simo considère que les possibilités de l’IA générative sont infinies, notamment dans la santé (analyse massive de données biologiques), l’éducation (tuteur personnel pour chaque enfant ou adulte), et la productivité. Elle estime que la prospérité d’un pays commence par l’éducation, la santé et la productivité, domaines révolutionnés par l’IA. Dans le commerce, l’IA générative permet de répondre à des besoins exprimés en langage naturel, facilitant la vie des consommateurs (ex : suggestions de repas adaptées aux contraintes familiales).
Elle observe que les enseignes françaises ont bien avancé dans la digitalisation, mais utilisent encore trop de solutions ponctuelles, alors qu’un écosystème intégré offrirait une expérience client plus fluide, comme développé chez Instacart.
Fidji Simo investit dans des start-up françaises comme Gourmey (foie gras de laboratoire) et Sunday (paiement simplifié dans les restaurants), choisissant des fondateurs qu’elle souhaite accompagner et des secteurs à fort potentiel de croissance. Elle suit de près l’écosystème tech français, notant une forte progression de l’entrepreneuriat, désormais valorisé et encouragé.
Elle salue l’initiative du Sommet pour l’action sur l’IA organisé par la France en février, soulignant le leadership français et européen sur l’IA et la nécessité d’une régulation. Elle prône un leadership conjoint entre les États-Unis et l’Europe sur l’IA.
À la tête d’Instacart, Fidji Simo a permis à l’entreprise de livrer en moins d’une heure grâce à un réseau de 600 000 acheteurs indépendants et à la connexion aux systèmes informatiques des distributeurs, compensant l’absence d’inventaire en temps réel par des retours terrain et un algorithme de prédiction alimenté par des milliards de points de données. Instacart compte 800 enseignes partenaires (soit 100 000 magasins), a réalisé 33,461 milliards de dollars de volume d’affaires en 2024 (+10%), 885 millions de dollars d’Ebitda (+38%), 300 millions de commandes sur l’application mobile (+9%) et 958 millions de dollars de revenus publicitaires (chiffres au 31 décembre 2024 ou janvier 2025).
Instacart tire ses revenus des commissions payées par les acheteurs, les distributeurs et les publicitaires. Pour une commande de 100 dollars, 15% de frais sont prélevés, partagés entre commerçant et client, soit bien moins que les 30% pratiqués en moyenne par les acteurs de la livraison de repas. L’entreprise est rentable depuis 2023, après une rationalisation des opérations et le développement de l’offre publicitaire, avec des formats innovants et une meilleure mesurabilité.
Instacart se développe en Europe, notamment via un partenariat avec Aldi en Autriche autour du chariot connecté, déjà testé avec succès aux États-Unis. Le chariot intelligent, équipé d’un écran, permet une expérience personnalisée et une augmentation à deux chiffres des ventes, avec une hausse encore plus importante des bénéfices nets. Instacart partage les revenus publicitaires générés par ces chariots avec les distributeurs. L’ambition européenne d’Instacart repose sur le déploiement de ces chariots et d’un écosystème technologique complet pour aider les distributeurs à numériser leurs opérations, leurs magasins et leur commerce en ligne.